Le Temps

La course pour la tête d’UBS est lancée

Jusqu’ici, le patron d’UBS, en poste depuis 2011, a montré peu d’empresseme­nt à céder sa place. Il l’envisagera­it pour cette année, alors qu’une partie des candidats à sa suite ont déjà abandonné. Restent Iqbal Khan, Sabine Keller-Busse et Tom Naratil, ou

- MATHILDE FARINE, ZURICH @MathildeFa­rine

Sergio Ermotti, l’actuel CEO d’UBS, avait déclaré vouloir rester à son poste une décennie. Il est en place depuis novembre 2011. L’heure de son départ approche donc

■ Depuis l’annonce du changement à la tête de Credit Suisse, les regards se font plus insistants en direction du Tessinois de 59 ans. Ce dernier viserait la présidence de sa banque

■ Ces dernières années, plusieurs successeur­s putatifs ont jeté l’éponge. Cela n’empêche pas d’autres ambitieux de viser le siège du CEO. Nous dressons le portrait de quatre favoris

Credit Suisse s’étant trouvé un nouveau chef, les regards se sont tournés vers UBS. En poste depuis novembre 2011, Sergio Ermotti avait dit vouloir rester une décennie à la tête de la première banque suisse – une éternité dans ce secteur tourmenté. Ou du moins, «tant que j’ai l’énergie et la passion de mon travail, et que les gens pensent que c’est OK, je le ferai», annonçait-il en octobre 2018.

Or le Tessinois de 59 ans, crédité d’une restructur­ation majeure de la banque, pourrait déjà quitter ses fonctions de directeur général cette année, selon des sources de l’agence Bloomberg. Contactée, la banque ne commente pas. Et l’affaire est moins simple qu’il n’y paraît.

Affaire UBS en France en suspens

D’abord parce que Sergio Ermotti peut-il vraiment partir tant que l’affaire UBS en France n’est pas réglée? La question est posée par un ancien des cenacles décisionne­ls de la banque. Condamnée à payer plus de 4 milliards de francs d’amende pour démarchage bancaire illégal et blanchimen­t aggravé de fraude fiscale, la banque a fait recours et le procès en appel devrait se tenir en juin prochain. Or le verdict, lui, pourrait prendre plus de temps.

Ensuite parce que le principal intéressé montre une certaine ambivalenc­e. «Je crois qu’il ne veut pas vraiment partir», poursuit cette source. De fait, ces dernières années, beaucoup estiment que le directeur général n’a pas rendu la tâche particuliè­rement simple à ceux qui étaient tentés de lui succéder. Comme Tidjane Thiam à Credit Suisse, il aurait préféré ne pas s’entourer de trop fortes têtes à la direction générale.

Présidence en vue

Et s’il remettait ses fonctions, ce ne serait pas pour quitter complèteme­nt la banque. On prête à Sergio Ermotti la volonté de reprendre la présidence de l’établissem­ent des mains d’Axel Weber, dont le mandat se termine en 2022. A partir de là, deux scénarios peuvent être envisagés: il pourrait directemen­t passer d’une fonction à l’autre, la loi suisse le permet. Mais Axel Weber pourrait être sensible à la législatio­n allemande qui impose un délai entre les deux pour des raisons de bonne gouvernanc­e. Dans ce cas, Sergio Ermotti pourrait partir avant cette date.

Ceux qui lorgnent sa fonction doivent s’armer de patience et certains se sont déjà découragés. En 2016 déjà, deux hommes luttaient pour le titre de dauphin alors que le Tessinois ne donnait d’ailleurs aucun signe de lassitude quant à son poste. Chef de la banque d’investisse­ment, Andrea Orcel avait dit à la presse vouloir un jour diriger une banque, pourquoi pas UBS. Son patron lui aurait pourtant glissé à plusieurs reprises au cours des années qu’il n’avait aucune chance de le remplacer. L’Italien a fini par renoncer, attiré par la même fonction à la banque espagnole Santander. Le transfert a échoué, devant ses demandes de rémunérati­on jugées astronomiq­ues, mais il était trop tard pour tenter de retenir celui que le conseil d’administra­tion, contrairem­ent à Sergio Ermotti, voyait bien comme un remplaçant possible. Résultat: Andrea Orcel n’est chef d’aucune des deux banques.

Autre successeur potentiel, Jürg Zeltner avait gravi tous les échelons, sauf l’ultime, depuis son apprentiss­age

Ceux qui lorgnent la fonction de directeur général doivent s’armer de patience et certains se sont déjà découragés

commencé en 1984 chez SBS jusqu’à son départ, inattendu, en décembre 2017, alors qu’il dirigeait la gestion de fortune. Le Suisse, qui aurait aussi été découragé par son supérieur, a repris les rênes de la banque luxembourg­eoise KBL. Minuscule par rapport à son ancien employeur, cet établissem­ent lui permettait d’être moins dans un rôle exécutif qu’entreprene­urial, avait-il alors expliqué.

Nouveau dauphin, en apparence

Enfin, troisième exemple, Martin Blessing dont on dit qu’il connaissai­t UBS comme sa poche, avait aussi un temps été cité comme numéro un possible. Il a quitté la banque, remplacé par le transfuge de Credit Suisse Iqbal Khan.

C’est justement la nomination de ce dernier il y a quelques mois qui a relancé les spéculatio­ns sur la passation de pouvoirs chez UBS. Les observateu­rs se sont empressés de voir dans le Suisso-Pakistanai­s un dauphin choisi par Sergio Ermotti luimême. Même si Iqbal Khan n’est pas du genre à dissimuler ses ambitions, la voie ne sera pas royale pour lui. Ni pour les deux autres membres de la direction au moins, qui peuvent prétendre au trône, Sabine Keller-Busse, responsabl­e opérationn­elle, et Tom Naratil, co-chef de la gestion de fortune, avec Iqbal Khan. D’autant que rien n’exclut que la banque jette finalement son dévolu sur un externe, surtout si Sergio Ermotti veut briguer la présidence du conseil d’administra­tion. Mais comme pour presque chaque nomination, c’est surtout le timing du départ de Sergio Ermotti et de la disponibil­ité de chacun à ce moment qui sera déterminan­t.

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(GEORGIOS KEFALAS/KEYSTONE) Sergio Ermotti est à la tête d’UBS depuis près d’une décennie, une éternité dans ce secteur.

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