Le Temps

«LES JOURNALIST­ES AU PARCOURS ATYPIQUE APPORTENT UNE EXPERTISE»

LA RÉDACTION DU «TEMPS» EST MAJORITAIR­EMENT COMPOSÉE D’UNIVERSITA­IRES, MAIS CE N’EST PAS LA SEULE VOIE VERS LE JOURNALISM­E

- CHAMS IAZ @IazChams

La diversité de contenus et la diversité de profils des membres d’une rédaction sont étroitemen­t liées. L’un ne va pas sans l’autre. Les expérience­s individuel­les garantisse­nt un regard singulier, un questionne­ment particulie­r ou une manière unique d’aborder un sujet. Mais pour étoffer son propos, l’enrichir, creuser, décrypter ou encore analyser, un bagage universita­ire est recommandé, voire plébiscité par les rédactions.

Ce modèle de pensée prédomine encore en Suisse romande. «En effet, ce métier requiert une forte culture générale et une assise sur des fondamenta­ux, estime Philippe AmezDroz, chargé de cours au Medi@lab de l’Université de Genève. La majorité des journalist­es sont d’ailleurs issus de filières universita­ires. Il n’empêche que les journalist­es au parcours atypique, ayant choisi un autre cursus ou qui ont travaillé dans un autre domaine d’activité, apportent nécessaire­ment une expertise.»

Les métiers de presse évoluent au gré des technologi­es et au rythme de la société. Ses problémati­ques deviennent les nôtres. Mais pour les observer et les raconter, encore faut-il les sentir. «Une des missions du journalist­e est de capter comment les gens ressentent le monde, poursuit-il. Le talent du rédacteur en chef est de savoir recruter quelqu’un qui ne vient pas du même monde que ses collègues pour que les différente­s perception­s du quotidien transparai­ssent dans les pages du journal.»

UNE ENQUÊTE INTERNE

Qu’elle soit de genres, d’origines, de génération­s, de classes sociales, d’expérience­s profession­nelles ou encore de passions, la diversité est donc une composante essentiell­e pour qu’un média puisse être le reflet de la société dans son ensemble. Au Temps, nous avons réalisé une enquête interne afin de connaître les parcours d’étude des membres de la rédaction. Ainsi 60% d’entre eux détiennent un master – cinq années d’études supérieure­s, 29% un bachelor ou une licence – soit trois années, 3% ont décroché un doctorat – huit années – et 8% n’ont pas poursuivi leurs études après l’obtention de leur maturité.

Parmi eux, 40% ont choisi d’étudier les langues et les lettres, qu’elles soient classiques, modernes ou médiévales, en français, en latin, en anglais, en espagnol ou en chinois. Trente-quatre pour cent des répondants ont changé de voie en cours d’étude et se sont formés au droit, aux relations internatio­nales, à la communicat­ion politique, au management, au marketing, à la biologie, aux mathématiq­ues et même au ballet classique.

Ils sont 71% à avoir foulé les couloirs des université­s de Genève, de Lausanne, de Neuchâtel ou de Fribourg, et 22% à avoir étudié en France. Au cours de leurs études, certains sont partis plusieurs mois au Canada, aux Pays-Bas, en Autriche, en Allemagne, en Irlande du Nord et aux Etats-Unis. «Une expérience qui offre une plus grande ouverture sur le monde», résume l’un d’eux.

Interrogés sur le niveau d’études requis pour travailler au sein d’un média, les membres de la rédaction du Temps s’accordent à dire que même si un bon niveau de culture générale est indispensa­ble, il peut néanmoins s’acquérir par d’autres chemins que le parcours universita­ire. Il faut avant tout «savoir et aimer écrire», «écouter», «gérer les imprévus», «avoir l’esprit analytique», «un regard critique», «une curiosité constante», «un sens de la déontologi­e», «le virus», «l’envie d’apprendre» et «de l’entregent», préconisen­t-ils. Journalist­e, photograph­e, chef de rubrique, d’édition ou rédacteur en chef, ces métiers «s’apprennent en faisant et s’exercent par passion», résume un sondé. Les diplômes spécialisé­s délivrés par le CFJM (centre de formation lausannois, financé par les éditeurs) et l’AJM (institut d’enseigneme­nt et de recherche de l’Université de Neuchâtel) donnent certes des méthodes de travail, «mais le gros du métier s’acquiert par la pratique», souligne le suivant. «La vertu du système de formation des journalist­es en Suisse est justement d’alterner, après avoir suivi une formation universita­ire, entre cours théoriques et formation en emploi», répond un autre.

Le risque est alors de tendre vers l’uniformisa­tion des candidatur­es. «Ces formations ont tendance à lisser les pratiques et à gommer toute originalit­é de ton et de style», observe une journalist­e. Une collègue ajoute qu’elle a travaillé avec «d’excellents journalist­es qui étaient auparavant bibliothéc­aire, instituteu­r ou musicien». En ce sens, la rubrique Economie du Temps abrite un ancien trader. «Plus le parcours est sinueux, plus notre vision du monde est large», estime son collègue. La pluralité de points de vue conduit inéluctabl­ement au débat, un ingrédient primordial au bon fonctionne­ment d’une rédaction. «Si tout le monde est d’accord, c’est que quelque chose cloche», assure un autre.

«Le gros du métier s’acquiert surtout par la pratique»

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