«Il faut un changement de cap à Genève»
Candidate à l’exécutif de la ville de Genève, la Vert’libérale Susanne Amsler débat des enjeux de sécurité et de transition écologique avec Christo Ivanov, qui brigue lui aussi la mairie, sous l’étiquette UDC
Faut-il armer les agents de police municipaux? Devront-ils, à terme, rejoindre la police cantonale? Alors que la ville de Genève a proclamé l'urgence climatique, comment amorcer la transition écologique? Candidate au Conseil administratif de la ville de Genève, la vice-présidente des Vert'libéraux, Susanne Amsler, confronte ses positions avec celles du député UDC Christo Ivanov, qui brigue lui aussi un siège. Tous deux revendiquent leur profil atypique et plaident pour un renouveau à la mairie de Genève.
«Elisons de nouvelles têtes, des personnes motivées et courageuses, capables de dialogue et de compromis» CHRISTO IVANOV
Vos partis respectifs ne sont pas représentés au Conseil administratif, que comptez-vous y apporter? Christo Ivanov: Genève a été gouvernée à gauche trop longtemps. Après le scandale des notes de frais, la ville a besoin d'un pilote dans le navire. Elisons donc de nouvelles têtes, des personnes motivées et courageuses, capables de dialogue et de compromis. Aujourd'hui, il ne faut pas se profiler en tant que parti politique, mais plutôt en tant que personne. Avec mon expérience de conseiller municipal, de député et de chef d'entreprise, j'ai la connaissance des institutions et les compétences managériales nécessaires pour diriger la ville.
Susanne Amsler: Il faut un changement de cap en ville de Genève et cela ne se fera qu'avec de nouvelles personnes capables de remettre en question des réflexes, un mode de gouvernance profondément ancré. En tant que membre d'un nouveau parti, je n'ai pas les assises ni le réseau d'une formation plus ancienne. Je compte en revanche miser sur mon parcours diversifié, dans le secteur public, privé, mais aussi dans le domaine des relations internationales.
Vous prônez une «nouvelle ère». Que reprochez-vous au système actuel?
C. I.: Il y a un besoin urgent de transparence et d'éthique à Genève. C'est le seul moyen d'apaiser les tensions entre l'Etat et la Ville, mais aussi entre la Ville et ses citoyens. Au niveau de l'administration communale, il faut à tout prix rétablir le dialogue avec le personnel, sous peine de voir se répéter des conflits sociaux comme en ont connu le Muséum d'histoire naturelle ou la Bibliothèque de Genève.
S. A.: Une façon de faire, très loin d'une bonne gouvernance, s'est installée. En tant que deuxième ville de Suisse, Genève doit à tout prix sortir des querelles d'ego et instaurer une meilleure collaboration avec l'Etat, les autres communes, mais aussi le Grand Genève. Il faut une vision commune à long terme pour empoigner la transition écologique.
Précisément, en mai 2019, la Ville de Genève a proclamé l’urgence climatique. Comment agir?
S. A.: La problématique de l'écologie doit pénétrer tous les domaines: l'aménagement, la mobilité ou encore l'administration.
Il faut accroître les incitations pour la mobilité douce, sans forcément passer par une gratuité des transports publics. Une intense campagne de sensibilisation doit avoir lieu dans les entreprises, les écoles. C'est le seul moyen de faire baisser la pollution sonore et olfactive en ville. Dans les futurs quartiers, il faut penser bâtiments Minergie, places et toitures végétalisées, accès à l'eau, pistes cyclables mais aussi bornes de recharge pour voitures électriques.
C. I.: La transition écologique est une priorité parmi d'autres, elle ne doit pas devenir un diktat. Commençons par transformer les places trop minérales, comme le quai des Bergues, une faillite absolue. A ce sujet, j'ai déposé une motion pour créer un parc à la place Dorcière qui abrite actuellement la gare routière. Les bus iraient à la place Cornavin, à la gare des Eaux-Vives ou à PontRouge. Il faut aussi installer des panneaux solaires photovoltaïques et aérovoltaïques là où c'est possible et assainir les immeubles dont la ville est propriétaire pour éviter les déperditions d'énergie. Récemment, 115 millions de francs ont été investis pour les immeubles des
Minoteries. S'endetter pour le futur, cela en vaut la peine.
Dans ce débat sur l’aménagement, c’est aussi la croissance qui est remise en question…
S. A.: Il est difficile, voire impossible, de ralentir la croissance d'une ville dynamique comme Genève. Cela n'est d'ailleurs pas souhaitable. Il faut en revanche se donner les moyens d'accueillir les nouveaux habitants dans des conditions décentes. Cela ne signifie pas seulement construire des logements. Il faut aussi penser aux infrastructures, aux écoles, aux crèches qui bien souvent ne suivent pas.
C. I.: A l'UDC, cela fait longtemps que l'on milite pour une meilleure maîtrise du territoire et une régulation de la population. Il y a entre 6000 et 8000 nouveaux arrivants à Genève chaque année, cet appel d'air n'est plus gérable. La ville de Genève a déjà la plus forte densité de Suisse au mètre carré. En termes d'urbanisme, commençons par réaliser toutes les constructions votées avant de nous lancer dans de nouveaux projets qui seront probablement refusés, à raison.
Faut-il armer les policiers municipaux, qui réclament par ailleurs une revalorisation salariale?
C. I.: Genève est le seul canton sans police municipale armée. Aujourd'hui, les agents municipaux remplissent une mission de proximité mais saisissent aussi des stupéfiants, procèdent à des perquisitions, des contrôles routiers. Si une intervention tourne mal, ils ne peuvent pas se défendre correctement, ce sont des proies faciles. Je suis pour le port d'arme et pour le retour des îlotiers, ces patrouilles de terrain dont la présence physique atténue le sentiment d'insécurité.
S. A.: Une arme peut être dissuasive, mais peut aussi mener à une escalade de la violence. Je suis pour une police proche des gens, qui effectue des missions de proximité et de prévention. Dans des problématiques telles que la violence domestique, il est plus efficace d'avoir un agent familiarisé avec le tissu social du quartier qu'un policier armé jusqu'aux dents.
Mauro Poggia projette de créer un corps de police unique, est-ce une bonne idée?
S. A.: Difficile de prendre position sans avoir un projet définitif. Je vois des avantages dans les deux systèmes en termes d'organisation, de services et de coûts. Une chose est sûre, il ne faut pas changer pour changer. Agent municipal et policier, cela reste deux métiers différents. Si la fusion a lieu, il faudra être très attentif à l'accompagnement et assurer des réorientations le cas échéant.
C. I.: C'est une très mauvaise idée. La police municipale doit rester une prérogative communale. Les agents municipaux offrent une vraie complémentarité à la police cantonale. A quoi bon fourrer tout le monde dans le même sac? On devrait plutôt faire le bilan de la loi sur la police, qui est désastreux. Dans certains postes, le manque de personnel devient inquiétant.
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