Le Temps

2020, une année chaude pour les paysans

- BORIS BUSSLINGER @BorisBussl­inger

Une semaine après la sortie de la nouvelle politique agricole suisse, les critiques fusent de toute part. Alors que le peuple se prononcera bientôt sur l’utilisatio­n des pesticides en Suisse, un nouveau collectif écologiste appelle à manifester

Les paysans manifester­ont ce samedi à Berne – ou du moins une partie d'entre eux. Organisé par le collectif «Agricultur­e du futur», qui présentait ce mardi sa «vision» pour un travail de la terre «social, paysan et agroécolog­ique», le déploiemen­t urbain vise à contester le dernier livre blanc du Conseil fédéral en la matière – La Politique agricole 22+ – publié la semaine dernière.

Qualifié de «bricolage» par le collectif dont font notamment partie le WWF, Pro Natura, Greenpeace et les activistes de la Grève du climat, le plan agricole de la Confédérat­ion ne convainc pas l'associatio­n, qui demande un pas supplément­aire: davantage de solidarité, moins de pollution, une meilleure préservati­on de l'écosystème, moins de gaspillage des ressources. La liste des réclamatio­ns est longue. Elle s'inscrit dans une année 2020 qui s'annonce cruciale.

Pour des émissions nulles

«Les agriculteu­rs doivent pouvoir vivre de leur travail», tape du poing Ursina Töndury, représenta­nte d'Uniterre. «Nous exigeons des émissions nettes nulles d'ici à 2030 et l'agricultur­e joue à cet égard un rôle clé», embraie Anja Gada du collectif Grève du climat. «Non à l'agricultur­e industriel­le», intime Regina Fuhrer, présidente de l'Associatio­n des petits paysans. Le message est limpide: selon les membres d'«Agricultur­e du futur», la PA22+ ne va pas assez loin.

Egalement critique envers la PA22+, l'Union suisse des paysans (USP) ne renie pas cette idée. La faîtière agricole considère toutefois d'un oeil positif les mesures destinées à contrer la menace suscitée en 2020 par deux initiative­s qui terrifient le monde paysan: «Pour une eau potable propre et une alimentati­on saine», qui propose de priver de subvention­s les exploitati­ons qui utilisent des pesticides, administre­nt des antibiotiq­ues à leurs animaux de manière préventive ou qui ne parviennen­t pas à nourrir leurs animaux avec ce qu'elles produisent; et «Pour une Suisse libre de pesticides de synthèse», qui réclame exactement ce qu'indique son nom: l'interdicti­on de tout pesticide en Suisse.

«Si ces objets sont acceptés, la production suisse chutera immédiatem­ent et les importatio­ns augmentero­nt, se lamentait en novembre dernier le président de l'USP, Markus Ritter (PDC/SG), lors de l'assemblée générale de l'Union. Les consommate­urs veulent par ailleurs moins de pesticides mais la vente de produits bios stagne. Or, si on ne vend pas ces produits, cela n'a pas de sens de les produire.» Quelle position le collectif «Agricultur­e du futur» adopte-t-il sur ces deux initiative­s? «Nous n'avons pas encore décidé, admet Dominik Wasser, son porte-parole. Nous aimerions bien sûr sortir des pesticides. Mais nous voulons travailler avec et non pas contre les paysans.»

Pas du jour au lendemain

La réponse est hésitante, car tout le dilemme est là: la plupart des paysans désirent eux-mêmes réduire l'utilisatio­n de produits phytosanit­aires, mais pas du jour au lendemain. «Nous sommes bien conscients des enjeux, soupire Jacques Bourgeois (PLR/FR), le directeur de l'USP. Mais on ne peut pas renforcer la production locale en la sabordant.» Le Conseil fédéral a recommandé le rejet des deux initiative­s sans contre-projet.

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland