HSBC se détourne de l’Europe et vise l’Asie
L’établissement britannique se recentre sur l’Asie et lance un grand plan d’économies. Il a annoncé mardi la suppression de 35 000 emplois d’ici à trois ans
La première banque européenne ne croit plus en l’Europe. Ou si peu. HSBC, banque britannique et premier établissement du continent par la taille de son bilan, a annoncé mardi un grand plan de restructuration visant à se recentrer sur l’Asie, sa région d’origine.
La banque va réduire ses effectifs de 35000 personnes, passant de 235000 employés actuellement à «environ 200000» d’ici à 2022. Cela s’accompagne d’une sérieuse purge de son bilan, avec 100 milliards de dollars d’actifs qui doivent être supprimés, sur un total actuel de 843 milliards. Au total, la banque veut dégager d’ici à 2022 des économies annuelles de 4,5 milliards de dollars, une réduction de 12% de ses coûts.
Coup de balai sur le Vieux-Continent
Si les Etats-Unis sont également touchés par la restructuration, la première région visée par ce grand coup de balai est l’Europe. HSBC veut y supprimer le tiers de ses actifs. «L’Europe mobilise 20% de notre capital mais nous y perdons de l’argent, explique Noel Quinn, le directeur général par intérim. Ce n’est pas acceptable.» Les pertes en Europe en 2019 ont été de 4,6 milliards de dollars.
Concrètement, il n’est pas question de se retirer d’Europe. Mais la banque va limiter sa présence à deux niveaux. D’abord, elle va réduire son activité dans la banque d’investissement. HSBC est avant tout la banque du commerce international. Sa spécialité est de financer les grandes multinationales et d’accompagner la mondialisation.
Par contre, elle a toujours peiné en Europe sur des métiers comme le conseil en fusions et acquisitions, ou encore les produits financiers pointus. Faute de rentabilité, elle va diminuer son activité. La recherche (notes d’analyse sur l’économie et les entreprises) sera aussi rabotée, notamment en Europe. Sa présence à la City va en prendre un sérieux coup, même si Noel Quinn promet que Londres restera un «hub» important, comme New York.
Au service des multinationales et des PME exportatrices
Le deuxième niveau de coupes en Europe continentale concerne la banque commerciale, celle qui finance les entreprises. HSBC entend se concentrer sur les grandes entreprises internationales, qui peuvent profiter de sa présence un peu partout dans le monde. Les clients nationaux en Europe – grosses PME, entreprises qui n’exportent pas ou peu – ne sont plus sa priorité.
Quant à la banque de détail, tout dépend des marchés. HSBC a annoncé l’an dernier qu’elle entendait vendre son réseau d’agences en France. Le processus est en cours, sans nouvelle mise à jour. Au Royaume-Uni, la banque de détail fonctionne bien et n’est pas la cible de coupes. Au Mexique également, la banque de détail est rentable.
La Hong Kong and Shanghai Banking Corporation, pour reprendre le nom de ses origines coloniales lors de sa création en 1865, va se recentrer sur l’Asie. «L’Asie est le moteur de notre croissance, poursuit Noel Quinn. Nous allons continuer à investir en Chine, particulièrement dans la grande région de Hongkong et en Asie du Sud-Est.» Quid du coronavirus ou de la guerre commerciale? L’impact sera négatif et réel, explique la banque, mais ce sera passager. «La croissance structurelle demeure forte», explique Noel Quinn.
HSBC n’est pourtant pas en crise immédiate. En 2019, la banque a dégagé un bénéfice avant impôts de 8,7 milliards de dollars (en baisse de 42% par rapport à 2018) pour un chiffre d’affaires de 56 milliards de dollars. Mais ce n’est pas suffisant, estiment ses dirigeants. Le retour sur les fonds propres de la banque tourne autour de 8,4%, loin des niveaux d’avant la crise de 2008 ou de ceux des concurrents américains. Le plan de restructuration vise à retirer 10% des capitaux peu rentables et à les réinvestir là où ça rapporte.
Outre l’Europe, les Etats-Unis sont également dans la ligne de mire de HSBC. Dans la banque de détail, de nombreuses agences vont être fermées sur la côte Est, compensées en partie par des ouvertures sur la côte Ouest, où se trouve une importante communauté d’affaires asiatique.
Gouvernance en question
Etrangement, HSBC affiche son changement de cap alors même qu’une lutte se déroule à son sommet. Pour des raisons mal élucidées, le directeur général, John Flint, a été mis à la porte en août 2019, après seulement dix-huit mois à son poste. Mark Tucker, le président du conseil d’administration, l’aurait trouvé trop mou dans sa réduction des coûts. Noel Quinn a pris sa succession par intérim et un processus de «six à douze mois» avait été lancé pour trouver un remplaçant permanent.
Il y a encore quelques semaines, les actionnaires s’attendaient à ce que l’annonce soit faite ce mardi, en même temps que la restructuration. Cela n’a pas été le cas. Mark Tucker et Noel Quinn affirmaient mardi que tout était normal et que la procédure suivait son cours, mais une lutte de pouvoir est visiblement en cours en haut lieu. Noel Quinn semble espérer prendre le poste de façon permanente mais le conseil d’administration n’a pas réussi à se mettre d’accord. Désormais, quelle que soit la résolution de la dispute, le prochain patron se retrouve obligé de suivre la stratégie annoncée ce mardi.
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