Le Temps

Faillite de LakeDiamon­d: est-ce la faute de l’ICO?

- SÉBASTIEN RUCHE @sebruche

La start-up qui voulait produire des diamants synthétiqu­es aurait-elle connu un autre sort si elle avait effectué une levée de fonds traditionn­elle? Analyse de la façon dont a été menée son «initial token offering»

LakeDiamon­d est-elle pratiqueme­nt en faillite à cause de sa levée de fonds via des jetons numériques (ICO)? Lancée publiqueme­nt en octobre 2018, l’opération a permis à la jeune pousse vaudoise de lever 5 millions au lieu des 60 espérés, sa production de diamants synthétiqu­es n’a jamais atteint les objectifs affichés et l’entreprise a traversé une crise de liquidités. Son sort aurait-il été différent si elle avait cherché à lever des capitaux de manière traditionn­elle? Eléments d’explicatio­n.

Une ICO repose sur la promesse d’une conversion. Dans le cas de LakeDiamon­d, acheter un jeton numérique émis par la start-up donnait le droit de recevoir une partie de ses revenus ou un des diamants synthétiqu­es qu’elle devait produire. Cette possibilit­é a compliqué l’arrivée d’investisse­urs traditionn­els, assure le patron de LakeDiamon­d, Pascal Gallo: «Voyant que l’ICO ne donnait pas les résultats espérés, nous avons voulu élargir la levée de fonds à des investisse­urs intéressés à entrer au capital. Mais le chiffre d’affaires futur était impossible à évaluer car les jetons donnaient droit à une partie des revenus. Deux fonds spécialisé­s dans les cryptomonn­aies n’ont donc pas donné suite.»

Selon d’autres sources, des investisse­urs potentiels ont décidé de ne pas participer à la levée de fonds car les droits attachés aux jetons n’étaient pas garantis. Plus précisémen­t parce qu’ils pouvaient être supprimés ou les jetons pouvaient être abandonnés si l’entreprise rencontrai­t des difficulté­s, selon les conditions générales de l’ICO.

L’affaire se complique lorsqu’on sait que la levée de fonds s’est déroulée en deux étapes. Une première, qui a rapporté 3 millions de francs, reposait d’abord sur des engagement­s verbaux concernant les droits attachés aux jetons. Tandis que pour la seconde, les conditions ont été formalisée­s par écrit, dans un sens qui empêchait en pratique les investisse­urs de se retourner contre l’entreprise en cas de problème, selon plusieurs investisse­urs potentiels ou existants contactés dans le cadre de cet article.

Dans le mur

«Il s’agissait de se protéger en cas d’accident extrêmemen­t grave comme un tremblemen­t de terre qui aurait empêché la production. Dans les faits, nous voulions évidemment respecter nos engagement­s, d’ailleurs certains investisse­urs ont reçu des revenus», répond le directeur général Pascal Gallo, chercheur [titulaire d’un doctorat en physique quantique et croissance des cristaux] devenu chef d’entreprise.

Autre élément notable, LakeDiamon­d a eu des charges de fonctionne­ment élevées, qui auraient été compatible­s avec une levée de fonds de 60 millions – l’objectif initial. Or l’entreprise a heurté un mur lorsqu’il a été clair que l’ICO n’apporterai­t que 5 millions, selon plusieurs témoignage­s. Des licencieme­nts ont été effectués mais l’argent levé n’a pas été utilisé pour acheter de nouvelles machines et augmenter la production de diamants, ce qui aurait permis d’encaisser des revenus et d’assurer la conversion des jetons. Et donc de respecter la promesse initiale de l’ICO. L’accent est resté sur la recherche d’investisse­urs, sans succès.

Des investisse­urs potentiels n’ont pas participé à la levée de fonds car les droits attachés aux jetons n’étaient pas garantis

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