Faillite de LakeDiamond: est-ce la faute de l’ICO?
La start-up qui voulait produire des diamants synthétiques aurait-elle connu un autre sort si elle avait effectué une levée de fonds traditionnelle? Analyse de la façon dont a été menée son «initial token offering»
LakeDiamond est-elle pratiquement en faillite à cause de sa levée de fonds via des jetons numériques (ICO)? Lancée publiquement en octobre 2018, l’opération a permis à la jeune pousse vaudoise de lever 5 millions au lieu des 60 espérés, sa production de diamants synthétiques n’a jamais atteint les objectifs affichés et l’entreprise a traversé une crise de liquidités. Son sort aurait-il été différent si elle avait cherché à lever des capitaux de manière traditionnelle? Eléments d’explication.
Une ICO repose sur la promesse d’une conversion. Dans le cas de LakeDiamond, acheter un jeton numérique émis par la start-up donnait le droit de recevoir une partie de ses revenus ou un des diamants synthétiques qu’elle devait produire. Cette possibilité a compliqué l’arrivée d’investisseurs traditionnels, assure le patron de LakeDiamond, Pascal Gallo: «Voyant que l’ICO ne donnait pas les résultats espérés, nous avons voulu élargir la levée de fonds à des investisseurs intéressés à entrer au capital. Mais le chiffre d’affaires futur était impossible à évaluer car les jetons donnaient droit à une partie des revenus. Deux fonds spécialisés dans les cryptomonnaies n’ont donc pas donné suite.»
Selon d’autres sources, des investisseurs potentiels ont décidé de ne pas participer à la levée de fonds car les droits attachés aux jetons n’étaient pas garantis. Plus précisément parce qu’ils pouvaient être supprimés ou les jetons pouvaient être abandonnés si l’entreprise rencontrait des difficultés, selon les conditions générales de l’ICO.
L’affaire se complique lorsqu’on sait que la levée de fonds s’est déroulée en deux étapes. Une première, qui a rapporté 3 millions de francs, reposait d’abord sur des engagements verbaux concernant les droits attachés aux jetons. Tandis que pour la seconde, les conditions ont été formalisées par écrit, dans un sens qui empêchait en pratique les investisseurs de se retourner contre l’entreprise en cas de problème, selon plusieurs investisseurs potentiels ou existants contactés dans le cadre de cet article.
Dans le mur
«Il s’agissait de se protéger en cas d’accident extrêmement grave comme un tremblement de terre qui aurait empêché la production. Dans les faits, nous voulions évidemment respecter nos engagements, d’ailleurs certains investisseurs ont reçu des revenus», répond le directeur général Pascal Gallo, chercheur [titulaire d’un doctorat en physique quantique et croissance des cristaux] devenu chef d’entreprise.
Autre élément notable, LakeDiamond a eu des charges de fonctionnement élevées, qui auraient été compatibles avec une levée de fonds de 60 millions – l’objectif initial. Or l’entreprise a heurté un mur lorsqu’il a été clair que l’ICO n’apporterait que 5 millions, selon plusieurs témoignages. Des licenciements ont été effectués mais l’argent levé n’a pas été utilisé pour acheter de nouvelles machines et augmenter la production de diamants, ce qui aurait permis d’encaisser des revenus et d’assurer la conversion des jetons. Et donc de respecter la promesse initiale de l’ICO. L’accent est resté sur la recherche d’investisseurs, sans succès.
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Des investisseurs potentiels n’ont pas participé à la levée de fonds car les droits attachés aux jetons n’étaient pas garantis