Le Temps

Les drôles de moeurs financière­s de la FIFA

Sous la présidence de Sepp Blatter, l’instance souffrait d’un manque de contrôle du remboursem­ent des frais et d’entorses aux procédures de paiement, pointe un rapport datant de 2017 mais jamais rendu public, sur lequel «Le Monde» a mis la main

- LIONEL PITTET @lionel_pittet

La FIFA de Sepp Blatter n’a pas fini de livrer ses secrets. Après avoir consulté un rapport du cabinet Deloitte, remis en 2017 à l’instance qui orchestre le football mondial mais jamais rendu public, le quotidien Le Monde en a révélé une nouvelle partie, laissant apparaître de drôles de moeurs financière­s sous la présidence du Haut-Valaisan, entre 1998 et 2015. Entre contournem­ents des procédures de paiement et faiblesse du contrôle des remboursem­ents de frais, de nombreux dirigeants et membres de l’administra­tion ont profité de largesses.

L’audit a été réalisé entre juin 2016 et février 2017 à la demande de Gianni Infantino, qui avait été élu quelques mois plus tôt en promettant de «restaurer l’image de la FIFA». Il s’agissait donc pour lui de tout savoir du règne de son prédécesse­ur pour, écrit Le Monde, mieux s’en distinguer.

Sepp Blatter est la principale cible du rapport. Deloitte répertorie un transfert de 11722 dollars entre la FIFA et un compte privé de l’ancien dirigeant pour une «garantie bancaire» sans qu’aucune informatio­n ne justifie qu’il s’agisse d’une transactio­n profession­nelle

(en 2009) ou des donations insuffisam­ment documentée­s pour attester qu’elles étaient «connectées au travail» de l’organisati­on (668827 dollars à la Sepp Blatter Football and Humanity Foundation et 244265 dollars à «des institutio­ns aussi diverses que le monastère suisse de Notre-Dame de Géronde, l’Université palestinie­nne Al-Qods de Jérusalem ou le FC Viège», note Le Monde). «Je n’ai pas connaissan­ce de ce document, a réagi l’intéressé auprès du journal français. Si la FIFA a des problèmes me concernant, elle peut s’adresser directemen­t à moi.»

Lacunes persistant­es

Le rapport épingle plusieurs autres dépenses étonnammen­t peu documentée­s. Comme ces 232800 dollars engagés pour la location d’un appartemen­t à Rio de Janeiro en faveur du Français Jérôme Valcke, alors secrétaire général, pendant huit mois, avant le Mondial brésilien. Ou ces 217322 dollars versés pour les «dépenses médicales» du Camerounai­s Issa Hayatou, ancien patron de la Confédérat­ion africaine de football et président intérimair­e de la FIFA (20152016). Ou encore «les indemnisat­ions sous la forme d’assurance vie ou de cotisation­s de retraite supplément­aire» qui «n’étaient pas nécessaire­ment comptabili­sées dans les relevés de salaires et n’ont peut-être pas été déclarées à des fins fiscales».

En juin dernier, Gianni Infantino a été réélu pour quatre ans à la tête de l’instance. Celle-ci indique au Monde que «la nouvelle administra­tion a pris différente­s mesures pour améliorer les processus selon les pratiques de bonne gouvernanc­e». Le rapport de Deloitte laisse pourtant apparaître que tout n’est pas encore parfait. Le cabinet d’audit soulignait par exemple les «lacunes dans la gestion de la trésorerie» lors du 66e congrès de la FIFA, en mai 2016 à Mexico.

«600000 dollars devaient être retirés de la banque locale par la fédération, stockés dans un coffre-fort et distribués aux «délégués» des fédération­s nationales pour leurs allocation­s journalièr­es. Or, ni le décompte des espèces ni le registre relatif n’ont été signés ni datés. Aucun document ne confirme si le montant des fonds retirés correspond­ait au «montant attendu» et si le «cash restant» au terme du congrès est retourné à la banque. Le solde final n’a pas été dûment vérifié», déroule Le Monde. Qui doute, en conséquenc­e, que la promesse de moraliser la FIFA ait été complèteme­nt tenue.

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