«Quartier des banques», les diamants maudits
«Quartier des banques», le thriller économique de la RTS, revient pour une deuxième saison qui se penche sur les trafics douteux de l’Afrique jusqu’aux coffres helvétiques. La série souffre d’un rythme un peu monocorde, mais elle garde ses atouts
La deuxième saison du thriller financier de la RTS qui met en scène la famille de banquiers Grangier décrypte les liens sulfureux entre le milieu bancaire genevois et les acteurs de la filière africaine de diamants. Plus brutale que la première saison, mais toujours aussi haletante.
Pour Elisabeth Grangier (Laura Sepul), tout va de pire en pire. La jeune dirigeante de la banque familiale Grangier a surmonté les épreuves d’il y a deux ans, elle tient le cap en voulant réorienter la gestion de fortune vers les engagements environnementaux et sociaux. Elle s’apprête d’ailleurs à annoncer l’extension de ces critères lors d’une soirée qui ressemble à celle de naguère, lorsque Paul, le frère (Vincent Kucholl), s’était écroulé.
Là aussi, une tuile va tomber sur les épaules du clan Grangier. La banque est soupçonnée d’avoir hébergé les millions spoliés d’un ministre de la République centrafricaine, lequel a notamment fait fortune dans les mines.
«Les banquiers sont éternels»
La nouvelle saison de Quartier des banques a un sous-titre, «Les banquiers sont éternels», et il faut bien sûr se laisser aller à la propension façon James Bond de remplacer le substantif par «diamants». Il est question de pillage de ressources, d’exploitation pour les bijoux et, au bout de la chaîne, de masses de billets arrachés aux peuples et de pierres si précieuses qu’elles tuent dans leur entourage. Elisabeth va aller à Anvers dans le milieu des diamantaires, elle se heurte à la fois au Ministère public genevois et au Département fédéral des affaires étrangères, lequel est soucieux de polir la nouvelle image de la Suisse, de tourner la page des coffres douteux dans les sous-sols genevois comme ceux des Grangier.
La fiction pousse l’exploration du milieu assez loin, avec des oeuvres d’art camouflées aux Ports francs à la mode affaire Bouvier et une collection de voitures de luxe façon Obiang. Aux amateurs, la trame peut évoquer la deuxième saison de la flamande Salamander (2018), qui remontait aussi aux mines africaines, dans un cadre toutefois davantage axé sur le complot général.
Les mêmes personnes sont aux commandes de la série, Stéphane Mitchell en scénariste principale, les cocréateurs Jean-Marc Fröhle et Fulvio Bernasconi respectivement à la production et la réalisation. Les rôles principaux demeurent, avec l’autre frère Alexandre (Arnaud Binard), Virginia devenue l’ex-femme de Paul (Lauriane Gilliéron), et la matriarche Blanche (Brigitte Fossey).
Le premier chapitre s’achevait certes sur un petit coup de théâtre, le réveil de Paul, mais pour le reste, tout était à (re) faire. «Il y avait trois éléments, note Stéphane Mitchell. Le retour de Paul, les défis de la banque verte et un nouveau secret à définir…»
Les techniques d’un thriller
Dans une note, réalisateur et producteur disent qu’ils ont voulu évoluer «vers quelque chose de plus organique, de plus sale, de plus violent au fur et à mesure que les masques tombent». Il y a, en effet, de la menace physique dans ce Quartier des banques, d’abord par carrosseries interposées dans un accident provoqué, puis de manière plus brutale.
La fable bancaire se polarise. Le corps y prend davantage de place – même par le sexe –, tandis que les manoeuvres des puissants, de leurs laquais financiers et de la justice se font plus complexes. Coauteur, l’écrivain Sébastien Meier précise que «nous nous insérons dans le genre, le thriller, avec sa technique, ses ressorts… Mais avec la volonté de dire quelque chose sur le monde, d’être le plus précis possible sur le monde que nous décrivons.»
Cette deuxième expérience n’est pas exempte de défauts. Dans certaines interprétations et, surtout, au niveau du tempo. Les auteurs veulent poser un grand nombre d’informations, d’amorces, dans les premiers épisodes, qui apparaissent un peu comme des collections de scènes sans qu’un fort liant ne les consolide. L’écriture s’est organisée sur des scènes plutôt courtes. Paradoxalement, certains trouveront l’ensemble assez lent. En fait, à vouloir serrer le tempo au profit d’un suspense constant, les concepteurs ont manqué de ruptures, le rythme paraît un peu monocorde.
Stéphane Mitchell réplique: «On peut comprendre cette réserve. En fait, surtout dès le deuxième épisode, nous avons voulu être avec Elisabeth, au plus près, et donc faire en sorte que la tension ne s’arrête pas.» «Nous en avons parlé, on se demandait si faire rythmé, c’est faire forcément rapide», ajoute Sébastien Meier: «C’est comme si parfois, oui, nous avons peut-être privilégié l’efficacité à la créativité.»
«Nous avons voulu évoluer vers quelque chose de plus organique, de plus sale, de plus violent...»
JEAN-MARC FRÖHLE, PRODUCTEUR, ET FULVIO BERNASCONI, RÉALISATEUR
Mais il s’agit de questions de nuances. L’équipe d’acteurs de Quartier des banques demeure excellente, si l’on y ajoute l’inestimable Féodor Atkine, toujours homme de l’ombre de la banque dans ses sordides aspects, malgré les bons sentiments. Les producteurs ont glané trois recrues de choc dans le terreau romand, Carlos Leal en diamantaire de la place; Frank Semelet en gestionnaire acculé au pire, qui se débat bec et ongles; et surtout Mariama Sylla, puissante dans le rôle de la procureure qui veut coincer Grangier S.A.
Quartier des banques oscille ainsi entre son statut souhaité de thriller économique dans les milieux feutrés de la vénérable Genève, qu’elle ausculte fort bien à travers le calvaire d’Elisabeth, et la tragédie familiale, ferment classique du drame. Elle réussit ce double pari. ▅