Le Temps

Friedrich Merz, la CDU à droite toute

Au sein d’une CDU en pleine tempête, cet opposant farouche à la politique migratoire de la chancelièr­e est favori pour reprendre les rênes du parti. De quoi le propulser peut-être à la tête du gouverneme­nt en 2021

- DELPHINE NERBOLLIER, BERLIN @delphnerbo­llier

Depuis le retrait d’Annegret Kramp-Karrenbaue­r, il fait figure de grand favori pour prendre la présidence de la CDU.

Friedrich Merz, 64 ans, avocat d’affaires, incarne le retour vers une CDU très conservatr­ice.

Après trois grandes coalitions entre chrétiens-démocrates et sociaux-démocrates, cet opposant farouche à Angela Merkel fustige le glissement au centre de sa formation en termes de politique migratoire, de questions sociétales et d’économie. Son objectif: regagner les électeurs de l’AfD.

Friedrich Merz pourrait bien jouer sa dernière carte en politique. A 64 ans, ce chrétien-démocrate, avocat de profession, géant longiligne de 1 mètre 98, n’est pas encore officielle­ment candidat à la présidence de la CDU mais est d’ores et déjà le favori de la course lancée il y a une semaine par l’annonce du départ d’Annegret Kramp-Karrenbaue­r

«S’il parvenait à regagner des voix à droite, il les perdrait au centre gauche» GERT PICKEL, POLITOLOGU­E À LEIPZIG

(AKK). Ce mardi, cette dernière l’a reçu pour débattre de l’avenir du parti. Elle fera de même avec les trois autres candidats potentiels, Armin Laschet, Jens Spahn et Norbert Röttgen. «Ce pourrait bien être sa dernière chance de revenir au plus haut niveau de la politique allemande», juge Stefan Marschall, politologu­e à l’Université de Düsseldorf. Friedrich Merz a en effet essuyé plusieurs revers par le passé et pourrait ne pas survivre à un nouvel échec.

Originaire de la Sarre, ce catholique, marié et père de trois enfants, a été député européen puis député fédéral avant de se retirer, en 2009, après plusieurs accrochage­s avec Angela Merkel. En 2002, celle qui n’était encore que présidente de la CDU l’évince de la présidence du groupe parlementa­ire. L’événement marquera une rupture nette entre les deux personnali­tés. Depuis 2009, Friedrich Merz a mené une brillante carrière profession­nelle, notamment au sein du fonds d’investisse­ment américain BlackRock dont il vient de quitter le conseil d’administra­tion. «Ses prétention­s politiques actuelles sonnent comme une revanche sur le tard contre Angela Merkel», constate Stefan Marschall.

Sa rivalité avec la chancelièr­e est à la fois une force et une faiblesse pour Friedrich Merz face à un parti divisé sur le bilan à tirer des quinze années de pouvoir d’Angela Merkel. Ciment du parti, Angela Merkel est toutefois souvent accusée d’avoir aidé au succès de l’extrême droite, représenté­e par le parti Alternativ­e pour l’Allemagne (AfD). «Dans les régions de l’est de l’Allemagne, là où la concurrenc­e de l’AfD est très forte, Friedrich Merz est particuliè­rement apprécié des membres de la CDU», reconnaît Gert Pickel, enseignant à l’Université de Leipzig. «Merz représente une CDU à l’ancienne, catholique, conservatr­ice en matière de valeurs et qui promet de regagner les électeurs partis vers l’AfD», résume ce politologu­e. Lors de sa campagne malheureus­e au poste de président de la CDU en 2018, Friedrich Merz avait promis de regagner la moitié du million d’électeurs partis voter pour l’AfD. «Cette promesse rassure même si elle semble impossible à tenir», juge Gert Pickel.

Après trois grandes coalitions entre chrétiens-démocrates et sociaux-démocrates, Friedrich Merz incarne le retour vers une CDU plus à droite et fustige le glissement au centre de sa formation en termes de politique migratoire, de questions sociétales et d’économie. Il n’a ainsi pas soutenu le mariage pour tous, ni la politique d’ouverture migratoire, ni l’introducti­on d’un salaire minimal – des mesures phares du dernier mandat d’Angela Merkel. «S’il prenait la tête de la CDU, il donnerait un coup de barre à droite sur les questions de sécurité et d’intégratio­n», estime Stefan Marschall, de l’Université de Düsseldorf. «Il était très actif dans les années 1990 mais n’a joué aucun rôle politique ces dernières années. De retour, il représente bel et bien le changement. Il n’a rien à voir avec la politique d’Angela Merkel et peut donc s’en distancier.»

Plus qu’aucun des autres prétendant­s au poste de chef de la CDU, Friedrich Merz souhaite une rupture avec l’ère Merkel qu’il critique assidûment. Ainsi, à la suite de la débâcle électorale en octobre dernier en Thuringe – où la CDU est arrivée derrière la gauche radicale –, il a fustigé «l’échec et le manque de leadership» de sa formation.

En avion privé

Son opposition envers la chancelièr­e et ses positions conservatr­ices tranchées effraient toutefois au sein de son propre parti. «Il polarise énormément», constate Gert Pickel. «Des quatre candidats actuelleme­nt en lice, il est le moins apte à unifier les différents courants de la CDU et n’est soutenu par aucune fédération régionale, contrairem­ent à Armin Laschet. C’est un gros inconvénie­nt. Par ailleurs, s’il parvenait à regagner des voix à droite, il les perdrait au centre gauche. C’est un vrai dilemme pour la CDU.»

Le mode de vie de cet avocat d’affaires reste aussi sujet à polémique. Alors qu’Angela Merkel passe ses vacances d’été à faire de la randonnée dans le Sud-Tyrol, le millionnai­re Friedrich Merz se déplace en avion privé. «Etre riche quand on fait de la politique est très mal perçu en Allemagne», rappelle Stefan Marschall. Quant à ses gaffes, volontaire­s ou pas, souvent misogynes, elles lui valent de nombreuses critiques. Dernière en date ce lundi, il a estimé que les médias traditionn­els étaient inutiles pour faire passer les messages politiques. Polémique, Friedrich Merz n’en est pas moins à un moment crucial de sa carrière. Ses chances de prendre la tête de la CDU, et peut-être du pays, à l’automne 2021, n’ont jamais été aussi grandes.

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 ?? (CLEMENS BILAN/EPA) ?? Friedrich Merz est connu pour ses gaffes, misogynes notamment, qui lui ont attiré de nombreuses critiques.
(CLEMENS BILAN/EPA) Friedrich Merz est connu pour ses gaffes, misogynes notamment, qui lui ont attiré de nombreuses critiques.

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