La tête ailleurs
Je n’y arrive pas cette semaine, c’est une première. C’est l’heure de rendre mon texte, j’ai mon chef qui s’impatiente, et j’ai la tête ailleurs. Je pourrais faire comme Beigbeder sur France Inter et divaguer jusqu’à ce que ma page soit remplie, mais regardez comme ça s’est terminé, lui viré, limite hué par toute la France, «bon à rien», «imposteur». Bon, il a ensuite sorti un livre qui se vend pas mal, dans le fond je tiens peut-être quelque chose.
Non, j’ai la tête ailleurs. A ces petites chambres d’hôpital pour enfants où je viens de passer quelque temps, ce lit d’appoint qu’ils mettent pour les parents afin de pouvoir rassurer le petit, la nuit. Je me dis que, là, c’est nous qu’il faudrait rassurer. Nous donner aussi un petit shoot d’endorphine ou de je ne sais quoi, parce que pour encaisser, tout en faisant bonne figure devant l’enfant, il faut être sacrément solide. On l’est. Je ne sais pas vous, mais j’ai de plus en plus l’impression que devant chaque situation, on se découvre des ressources qui nous permettent de faire face. Comme si on évoluait en même temps que les circonstances, c’est un système plutôt bien fichu.
De retour à la maison avec les dix médicaments et les rendez-vous de pédiatre tous les deux jours, je dois avouer qu’on se retrouve assez seul. Je voudrais tout de même, pour que servent au moins ces quelques lignes, vous raconter les anges que j’ai côtoyées ces derniers jours. Je dis «elles» parce que je n’ai vu que des femmes, médecins, infirmières et stagiaires. Dans leur bureau, il y avait cette pancarte: «Je suis infirmière en pédiatrie, et toi, quel est ton super-pouvoir?»
Je sais que c’est un cliché de patient que de louer le professionnalisme du personnel hospitalier, mais ce que j’ai ressenti, c’est que la santé n’était tout à coup plus des histoires de prix et d’assurances. Des comptines de petits chats dans la farine lorsqu’on pique, oui, et tout essayer pour que le traumatisme n’en demeure pas un. Des gestes fermes, rapides, pleins de douceur pour manier ces mini-êtres. Beaucoup d’humanité.
A nous les chroniqueurs, on demande de produire des opinions. Malaxer et mettre ensemble des idées, éclairer l’actualité, j’adore faire ça. Aujourd’hui, je crois aux émotions, à tout ce que nous avons en commun. Et je décide d’écrire pour partager.
«Je suis infirmière en pédiatrie, et toi, quel est ton super-pouvoir?»