Le Temps

«LE TEMPS» FACE À L’APPEL DU CLIC

SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX, CERTAINS DE NOS TITRES SONT ACCUSÉS D’ÊTRE DES PIÈGES À CLICS. LA RÉDACTION TESTE DES FORMULATIO­NS PLUS LONGUES ET DÉTAILLÉES EN LIGNE

- ÉTIENNE MEYER-VACHERAND t @EtienneMey­Va

Sur internet, les contenus destinés à attirer les clics du public pullulent. «Les dix bonnes raisons de…», «Les médecins la détestent…», ou encore «Une méthode révolution­naire pour gagner de l’argent». Ces formulatio­ns, souvent grossières, sont devenues un sujet de plaisanter­ie ou d’exaspérati­on. Il arrive que les journaux y cèdent, volontaire­ment ou non, pour attirer l’attention de leurs lecteurs. Notre rédaction se retrouve aussi accusée d’utiliser parfois des titres qualifiés de «pièges à clics», ou clickbait.

DIFFÉRENCI­ER TITRES WEB ET PAPIER

Récemment, un lecteur commentait sur Facebook: «Titre bien #clickbait de la part du Temps… c’est un peu comme si un média étranger titrait «Tous les Suisses mangent du chat», alors que ce ne sont que certain.e.s qui le font.» L’article en question, paru le 28 janvier, était titré «La dangereuse passion des Chinois pour les animaux exotiques». Il portait sur la consommati­on de certaines espèces en Chine et la présence d’animaux vivants sur les marchés pour expliquer l’émergence de l’épidémie du Covid-19. Cet exemple en est un parmi d’autres, mais montre qu’il peut exister un décalage entre le titre d’un article, le contenu et vos attentes en tant que lecteurs.

Le choix d’un titre répond à un double impératif. Il doit susciter l’intérêt du lecteur, tout en lui donnant les éléments factuels principaux de l’article. Nous avions déjà consacré dans cette page un article à leur conception au sein de la rédaction. Mais les contrainte­s qui s’appliquent au titre sur internet et dans l’édition papier du

Temps ne sont pas les mêmes. Sur le papier, le titre dispose d’un espace limité, ce qui oblige parfois les journalist­es et éditeurs à choisir une formulatio­n moins détaillée pour gagner quelques signes. Une contrainte qui est moins prégnante sur internet. Le Temps s’oriente désormais vers une stratégie de titres plus longs sur le web inspirée des pratiques de la Neue

Zürcher Zeitung. «L’idée est de s’affranchir des contrainte­s du papier pour avoir un titre qui donne l’informatio­n et la plus-value qu’apporte l’article. Un titre plus long est peut-être plus «laid» mais ce qui compte c’est que le lecteur clique en connaissan­ce de cause», précise Gaël Hurlimann, rédacteur en chef du numérique. «Notre objectif n’est pas de viser le nombre maximal de vues sur un article mais de générer des abonnement­s, poursuit-il. Si un lecteur reste moins de quinze secondes sur la page, c’est que l’article a été survendu.»

Pour voir l’impact du titre sur l’audience en ligne, la rédaction numérique a également mené une expériment­ation en proposant aux lecteurs trois titres pour un même article de manière aléatoire. Une expérience pas toujours très concluante, selon Nicolas Dufour, chef d’édition numérique. «Quand nous modifions un titre sur le web, dans 90% des cas, ce n’est pas pour rendre le sujet plus «sexy» mais pour le rendre plus clair, souligne-t-il. Par contre, si un titre est accrocheur dans le papier, nous n’allons pas chercher à l’atténuer.» L’idée est aussi de préserver une cohérence entre le site et le journal.

Pour autant, les articles qui attirent le plus les lecteurs en ligne ne sont pas forcément ceux attendus. C’est par exemple le cas d’un des articles les plus lus en 2019, au titre factuel: «En Sibérie, la fin du permafrost».

S’ADAPTER AU MODE DE LECTURE

Si l’outil de mise en ligne des articles du Temps n’impose aucune limite de longueur, les titres sur internet restent soumis à certaines contrainte­s, notamment celle du contexte de lecture. Un titre de quatre lignes est lisible sur un ordinateur mais plus difficilem­ent sur un petit écran. Certains éléments de contexte, comme le titre d’un film dans une critique, doivent aussi apparaître pour assurer un bon référencem­ent de l’article sur les moteurs de recherche.

Le partage des articles sur les réseaux sociaux nécessite aussi d’utiliser des titres plus courts. Un outil en cours de test doit permettre de proposer des titres différents en fonction du canal de diffusion. «Sur Facebook, un titre de trois ou quatre lignes est coupé automatiqu­ement, ce qui n’est pas très engageant pour le lecteur», précise Céline Pétremand, chargée des réseaux sociaux. Dans ce cadre, le texte qui accompagne les publicatio­ns donne un aperçu du contenu de l’article sans en dire trop. L’objectif étant que l’internaute se rende sur le site du

Temps pour le lire.

UNE QUESTION D’ÉQUILIBRE

«Pour certains titres très engageants, notamment sur la sexualité, nous faisons attention à être très explicatif­s», ajoute-t-elle. Un article paru le 6 février sous le titre: «Les connards conduisent-ils des Mercedes, ou bien les Mercedes transforme­nt-elles en connard?» illustre la nécessité d’atteindre cet équilibre. Pour la publicatio­n Facebook, ce titre a été raccourci en «Les Mercedes transforme­nt-elles en connard?» Ce titre clickbait au premier abord, reprend les termes d’une étude menée à l’Université d’Helsinki.

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