«Le Royaume-Uni était l’alibi de notre impuissance»
Le député français a longtemps siégé à Strasbourg, au Parlement européen. Pour lui, le choc économique du Brexit n’est pas le plus dangereux pour l’UE
Après le Brexit, le front politique pourrait bien s’avérer le plus compliqué à défendre, selon le député français, auteur de L’Europe assassinée (Ed. Odile Jacob).
Les négociations commerciales entre Londres et Bruxelles sont ouvertes. Elles doivent être, sauf demande d’extension, finalisées le 31 décembre 2020. Le choc s’annonce rude? Je ne le crois pas. Le vrai choc pour l’Union européenne est politique. Pourquoi? Parce que c’est au nom d’une ambition politique et malgré les difficultés économiques que le Brexit a eu lieu. Ce retrait de l’UE avait pour objet de soustraire le Royaume-Uni à une domination juridique et politique des institutions de l’Union jugées insupportables et, par ailleurs, de mieux contrôler les mouvements migratoires intra-européens. S’y ajoute l’idée selon laquelle les Britanniques ont droit à un destin géopolitique à part, plus conforme à leur vieille tradition impériale. Le voilà, le danger!
Les risques commerciaux sont pourtant importants. Le résumé de cette nouvelle négociation conduite par Michel Barnier est simple: ce sera perdant-perdant. Le seul enjeu de la négociation, côté communautaire, est de limiter au minimum les pertes: les nôtres et celles du Royaume-Uni. Nous avons néanmoins un avantage: une rupture sans accord serait très fortement pénalisante pour les Britanniques et beaucoup plus diluée sur le continent. Il faut aussi bien avoir en tête que ce futur accord devra, du côté des 27, être conclu à l’unanimité des Etats membres, ce qui donne un avantage aux durs par rapport à ceux qui pourraient vouloir lâcher du lest. Voilà pourquoi Boris Johnson bombe le torse aujourd’hui. Sa position de faiblesse l’oblige à jouer au fort.
«Le plus effrayant pour moi, ce n’est pas le départ britannique. C’est l’inertie continentale»
Sans le Royaume-Uni, à quoi va ressembler désormais l’Union européenne? Le Royaume-Uni était le grand alibi de notre impuissance européenne. Le bouc émissaire ayant disparu, nous sommes face à nous-mêmes. Et, politiquement au moins, ce n’est pas très brillant. Nous avons une périphérie orientale de l’Union qui manifeste son désaccord avec les valeurs fondamentales en termes de démocratie et de respect du droit qui sont à la base du contrat communautaire. Nous avons une grande difficulté à accorder les violons francais et allemand et, plus profondément, nous avons une extrême difficulté à nous situer de façon cohérente dans le jeu Etats Unis-Russie-Chine. Le plus effrayant pour moi, ce n’est pas le départ britannique. C’est l’inertie continentale.
Vous croyez dans la conférence sur l’avenir de l’Europe qui s’ouvrira bientôt? Je suis plutôt méfiant. En politique, poser une question dont on ne connaît pas la réponse est très, très risqué. La vérité c’est qu’il faudrait au préalable que les Français et les Allemands aillent au fond de leur examen de conscience et se mettent d’accord sur une ambition commune raisonnable. Or ni Paris ni Berlin n’en sont aujourd’hui capables.
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