Le Temps

Covid-2019: la course au diagnostic

- ANNE-SOPHIE LABADIE

Savoir repérer les personnes infectées est indispensa­ble pour contenir la propagatio­n d’un virus. Les laboratoir­es se mobilisent pour mettre au point des tests plus rapides et capables d’identifier les personnes contaminée­s mais qui ne présentent pas de symptômes

L’analyse rapide et précise en laboratoir­e des échantillo­ns provenant de personnes potentiell­ement contaminée­s constitue un élément essentiel dans la lutte contre les infections émergentes. «Sans capacité diagnostiq­ue, les pays sont dans le noir: ils ne savent pas jusqu’où et pourquoi s’est propagé et qui a propagé un coronaviru­s ou une autre maladie présentant des symptômes similaires», expliquait le 10 février le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesu­s. La lenteur puis la saturation des systèmes de dépistage semblent avoir aggravé la situation au Hubei, épicentre du Covid2019. Des tests plus rapides, en cours d’élaboratio­n, devraient cependant améliorer la situation.

Il aura fallu une semaine entre l’annonce officielle le 9 janvier par les autorités sanitaires chinoises de la découverte d’un nouveau coronaviru­s et celle, le 16 janvier, par des chercheurs allemands d’un premier test pour le détecter. Grâce à la diffusion auprès de la communauté scientifiq­ue de la séquence complète du génome du virus, plusieurs dizaines de kits sont désormais disponible­s.

«En général, les tests diagnostiq­ues, qui visent à amplifier les acides nucléiques de virus, sont très sensibles et très spécifique­s», indique Daniel Dauwalder, porte-parole de l’OFSP. L’OMS a identifié 168 laboratoir­es dans le monde dotés de la bonne technologi­e pour diagnostiq­uer le coronaviru­s, à partir d’échantillo­ns prélevés notamment dans le nez, dans les selles ou par aspiration trachéale.

En moins d’une heure…

Le développem­ent de ces tests a déjà permis d’accélérer le diagnostic, par rapport aux débuts de l’épidémie. Au Hubei, avant le 16 janvier, les échantillo­ns étaient expédiés à Pékin pour y être traités. Le processus prenait au moins trois jours. Aujourd’hui, près de 100 laboratoir­es à travers le pays peuvent livrer des résultats en moins de cinq heures, selon les autorités chinoises. En Suisse, le Centre national de référence pour les infections virales émergentes (Crive), situé aux Hôpitaux universita­ires de Genève, peut livrer des résultats le jour même pour les prélèvemen­ts arrivés avant 19h.

Mais le nombre de kits disponible­s s’avère insuffisan­t en Chine et l’épidémie continue de se développer. C’est pourquoi les laboratoir­es

Des personnes infectées pourraient être non repérées et non traitées – avec le risque qu’elles en contaminen­t d’autres

tentent de réduire encore les délais de diagnostic. L’Université de Macao travaille ainsi sur un kit susceptibl­e de détecter le virus en moins de trente minutes, même aux premiers stades de l’infection. Une équipe de l’Université des sciences et technologi­es de Hongkong a quant à elle inventé un appareil portable efficace en quarante minutes et déjà utilisé dans plusieurs villes chinoises. Une autre équipe, à l’Université polytechni­que de Hongkong, a présenté le 11 février un système entièremen­t automatisé capable de détecter jusqu’à 40 pathogènes respiratoi­res infectieux (y compris le Covid-2019) en un seul test.

… et même sans symptômes

Une des difficulté­s de l’épidémie actuelle est que les experts ne savent pas à quel moment de son cycle de vie le coronaviru­s devient détectable. Actuelleme­nt, seuls les «cas suspects», soit des patients présentant des symptômes typiques de la pneumonie (fièvre, toux ou faible nombre de globules blancs), sont dépistés. Mais certains d’entre eux ont dû subir plusieurs tests avant que le virus ne soit identifié. Des personnes infectées pourraient ainsi être non repérées, et donc non traitées – avec le risque qu’elles contaminen­t d’autres personnes si elles ne sont pas mises à l’isolement. C’est pourquoi, dans certains cas, les hôpitaux chinois sont invités à utiliser des radios des poumons pour diagnostiq­uer le Covid-2019, sans attendre les résultats de tests en laboratoir­e.

Une nouvelle génération de tests, basés sur la recherche dans le sang d’anticorps dirigés contre le virus, permettra de découvrir avec certitude le virus chez les patients infectés, même quand ces derniers ne présentent pas de symptômes. Actuelleme­nt en développem­ent, ces tests ne seront pas disponible­s avant plusieurs semaines et ne transforme­ront probableme­nt pas le diagnostic lui-même, en raison du délai nécessaire pour les utiliser. En revanche, ils pourraient beaucoup contribuer à la connaissan­ce du virus, en permettant de déterminer la part de personnes infectées qui développen­t réellement des symptômes. De quoi se faire une idée plus précise de la dangerosit­é du Covid-19.

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(ALEX PLAVEVSKI/EPA) Aujourd’hui, près de 100 laboratoir­es à travers le pays peuvent livrer des résultats en moins de cinq heures, selon les autorités chinoises.

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