Le parquet fédéral sauve son acte d’accusation dans l’affaire Florian Homm
La Cour des plaintes refuse de renvoyer ce descriptif de 275 pages à son expéditeur pour ne pas rallonger inutilement la procédure. Le procès du financier allemand se tiendra donc avec un acte d’accusation que le juge du fond estime confus et indigeste. Ambiance garantie
C’est une victoire sans gloire. Le Ministère public de la Confédération (MPC) n’aura pas à retravailler son monumental acte d’accusation de 275 pages visant le financier allemand Florian Homm et ses trois coprévenus suisses. La Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral considère, dans un arrêt rendu public ce jour, que le renvoi de ce pavé pour en modifier le contenu «rallongerait la durée de la procédure de manière inopportune et contreviendrait aussi bien aux principes de célérité que d’économie de la procédure». Non sans souligner que ce match de ping-pong entre juge du fond et procureur n’a pas grand sens.
Transmise le 20 février 2019 après dix années d’enquête contre
Florian Homm – surnommé l’antéchrist de la finance –, l’oeuvre de la procureure Graziella de Falco Haldemann comporte plus de 650 chefs d’accusation. Escroquerie par métier, gestion déloyale, abus de confiance, blanchiment d’argent à hauteur de quelque 400 millions de francs, faux dans les titres et banqueroute frauduleuse, ce dossier de plus de 1000 classeurs fédéraux (contenant notamment 12 rapports d’expertises financières) a pris le chemin de Bellinzone en causant un certain effroi à la cour appelée à trancher l’affaire.
Tensions évidentes
Manifestant sa mauvaise humeur, ladite cour a renvoyé le paquet au parquet fédéral en critiquant imprécision, manque de clarté et confusion. En résumé, le juge du fond estime que ni lui, ni la défense, ni les autres parties ne peuvent se préparer de manière efficace face à un tel magma de griefs – notamment ceux en lien avec des investissements dans les Penny Stocks américains – et que tout cela mérite d’être mieux balisé.
La réponse du parquet fédéral, sur le même ton cinglant, ne s’est pas fait attendre. Formalisme excessif, violation du principe de célérité, déni de justice et constatation erronée des faits, la procureure reproche en substance sa flemmardise au juge du fond et souligne que l’acte d’accusation n’a pas vocation à remplacer le travail d’apprentissage et de compréhension à effectuer par le tribunal, ni à lui permettre de comprendre aisément tous les aspects techniques du dossier.
Procédure stérile
Appelée à trancher cette querelle, la Cour des plaintes ne s’aventure pas sur le terrain de la qualité du descriptif concocté par la procureure. L’arrêt relève que le renvoi d’un acte d’accusation considéré comme insuffisant n’est en soi pas exclu mais souligne qu’un tel retour à l’expéditeur risque de se révéler inutile, voire problématique. En effet, une telle décision ne lie pas le parquet fédéral qui pourrait persister dans son style. «Rien n’interdit au Ministère public non convaincu par le tribunal de transmettre à nouveau un acte d’accusation identique, puis au tribunal de le renvoyer de même, au risque de bloquer la procédure ou d’engendrer une alternance stérile de propositions contradictoires.»
Si le renvoi n’a pas de sens, le recours contre le renvoi en a désormais encore moins, ajoute l’arrêt. «On peut s’interroger sur la portée et l’utilité d’une voie de recours qui demande à la Cour de céans d’examiner l’acte d’accusation, qui n’est en soi pas susceptible de recours devant elle, pour rendre une décision qui touche à l’appréciation des faits et du droit […].» En clair, procureur et juge de première instance sont priés de se débrouiller entre eux, ce d’autant plus qu’une Cour d’appel, qui a plein pouvoir d’examen, a été créée au plan fédéral.
C’est dans cette ambiance plutôt électrique que se profile le procès, dont la date n’est pas encore fixée (le mois entier de septembre semble une option). Florian Homm, qui avait disparu de la circulation durant cinq ans avant d’être arrêté à Florence en 2013, sur demande de la justice américaine, est finalement retourné en Allemagne d’où il ne peut être extradé. Rien ne dit qu’il sera présent aux débats. ▅