Le Temps

Bruxelles veut combler son retard numérique

La Commission européenne avoue avoir raté la première révolution internet. Elle veut désormais monter en puissance dans le domaine de l’intelligen­ce artificiel­le, où elle estime même pouvoir jouer les premiers rôles

- RAM ETWAREEA @rametwaree­a

«Je veux que nos groupes et nos PME aient accès aux données industriel­les et créent de la valeur pour les Européens»

THIERRY BRETON, COMMISSAIR­E EUROPÉEN CHARGÉ DU MARCHÉ INTÉRIEUR

Bruxelles désire savoir à quel point les Européens sont prêts à accepter la technologi­e de la reconnaiss­ance faciale

Mais où sont les Facebook ou Tencent européens? Où sont ses Silicon Valley ou Shenzhen? La réponse de la Commission européenne est sans ambages. «Nous sommes passés à côté de la première révolution internet qui a vu l’émergence des champions technologi­ques basés sur les données personnell­es tant aux Etats-Unis qu’en Chine, a déclaré mercredi Thierry Breton, commissair­e européen chargé du Marché intérieur. Mais nous pouvons participer à la deuxième révolution qui concerne la collecte et l’exploitati­on des données industriel­les et publiques. Nous avons même le potentiel d’être leaders en la matière.»

La Commission a présenté mercredi sa politique de transforma­tion numérique, notamment dans le développem­ent de l’intelligen­ce artificiel­le (AI). Lors de sa prestation de serment en novembre, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, avait inscrit le changement climatique et le développem­ent du secteur numérique comme ses priorités pour les quatre prochaines années. A cette occasion, elle s’était lancé le défi de présenter une feuille de route dans les 100 premiers jours de son mandat. La précédente Commission avait jeté les bases pour un Marché unique numérique en 2015, mais l’Union est restée un marché fragmenté.

L’Europe possède des atouts

«Notre société génère une masse considérab­le de données industriel­les qui transforme­ront notre manière de produire, de consommer et de vivre», a poursuivi Thierry Breton. Il sait de quoi il parle. Avant sa nomination à Bruxelles en septembre dernier, il était le patron du géant français Atos, l’une des dix premières entreprise­s mondiales dans les services du numérique. «Je veux que les entreprise­s européenne­s et nos nombreuses PME aient accès à ces données et créent de la valeur pour les Européens.» Selon lui, il n’y a pas de doute que l’Europe possède les atouts pour jouer dans la cour des grands et pour préserver sa souveraine­té technologi­que.

Pour le commissair­e français, les Etats européens disposent d’excellents centres de recherche, de plateforme­s numériques sûres, de connaissan­ces poussées en robotique et d’un secteur manufactur­ier et de services performant­s dans des domaines aussi variés que l’automobile, l’énergie, la santé ou encore l’agricultur­e. «Notre objectif immédiat est de mobiliser toutes les ressources dans une chaîne de valeur», a-t-il plaidé. La Commission demande aux Etats d’attirer les talents et de les garder.

Un domaine sensible et à haut risque

Mais l’intelligen­ce artificiel­le est aussi un domaine sensible et à haut risque. Dans une chronique publiée mercredi dans L’Usine

nouvelle, un hebdomadai­re spécialisé dans les nouvelles technologi­es, Ursula von der Leyen a repris son discours prononcé au Forum de Davos en janvier, affirmant que «85% des informatio­ns que nous produisons non seulement dans le domaine industriel, mais aussi dans ceux des transports, la consommati­on d’énergie, la météo et l’espace, sont inutilisée­s. Nous voulons que ces données soient accessible­s à nos start-up, PME et multinatio­nales, mais dans la confiance et dans le respect de nos valeurs. Les nouvelles technologi­es ne doivent pas imposer de nouvelles valeurs.»

Les prochaines étapes: la stratégie dévoilée mercredi fera l’objet d’une consultati­on ouverte jusqu’en mai. La Commission veut savoir par exemple à quel point les Européens sont prêts à accepter la technologi­e de la reconnaiss­ance faciale, qui, selon Margrethe Vestager, vice-président de la Commission et responsabl­e pour Une Europe adaptée à l’ère du numérique, est déjà installée dans des espaces publics. Plusieurs lois liées notamment à la cybersécur­ité et à la protection des données seront présentées d’ici à la fin de l’année. Entre-temps, la Commission entend nouer des alliances diplomatiq­ues et avec le monde des affaires. Sur le plan financier, son objectif est de mobiliser au moins 2 milliards d’euros pour promouvoir ses propres champions technologi­ques.

La Suisse suit l’évolution du marché technologi­que de l’UE de près. En 2017, Bruxelles lui avait fait comprendre que c’était dans son intérêt de rendre son droit eurocompat­ible. Elle reconnaiss­ait toutefois que la Suisse était en avance sur elle dans divers domaines, dont l’accès au réseau de téléphonie et la protection des données. ▅

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(KENZO TRIBOUILLA­RD/AFP) Les commissair­es européens Margrethe Vestager et Thierry Breton ont défendu mercredi le projet d’une Europe qui soit à la pointe des technologi­es numériques.

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