Le Temps

Du Flon à la Rasude, Marc Pointet veut remettre Lausanne d’aplomb

Il dédie la plupart de son temps à ce quartier lausannois, propriété de Mobimo, dont il est le directeur en Suisse romande. «Un diamant» immobilier qui agite régulièrem­ent les débats urbanistiq­ues

- SERVAN PECA t @servanpeca

«Il y a toujours des galeries d’art, mais nous avons ouvert le quartier. Nous voulons que ce soit un endroit où les gens se donnent rendez-vous pour y passer du temps ensemble»

Au Flon, davantage que n’importe qui d’autre, Marc Pointet est chez lui. Mais non, il n’habite pas le quartier. C’est un peu plus compliqué. Marc Pointet est le directeur de Mobimo en Suisse romande. Et Mobimo, c’est la société immobilièr­e lucernoise, qui, depuis le rachat de LO Holding en 2009, détient les bâtiments mais aussi les rues et les places du quartier historique situé au centre de Lausanne.

A la différence d’un concentré de commerces traditionn­els comme la rue de Bourg, qui compte de multiples propriétai­res, «nous pouvons choisir les locataires, harmoniser l’ensemble, jouer avec les espaces vides et les différente­s offres que nous souhaitons avoir… A ma connaissan­ce, c’est une situation unique en Europe», se félicite-t-il.

En cent cinquante ans, le Flon a changé maintes fois de visage. Mais ses surfaces, elles, sont toujours restées dans les mains de particulie­rs. Ce statut est hérité de la fin du XIXe, lorsque deux entreprene­urs créent la Compagnie du chemin de fer Lausanne-Ouchy – plus tard, la société LO – et deviennent propriétai­res de toute la vallée du Flon.

Pas mieux avant

Autour de la gare et du funiculair­e d’alors, entrepôts et hangars se multiplien­t. Au fur et à mesure du développem­ent industriel, la compagnie acquiert peu à peu des surfaces immobilièr­es. Mais avec la concurrenc­e de la nouvelle gare de Sébeillon, dans les années 1950, la vallée perd de son attrait et se transforme. Les entrepôts deviennent des bureaux, des ateliers d’artistes ou d’artisans. C’est le début, dans les années 1980, de sa période alternativ­e.

Juste avant d’aller le rencontrer dans ses bureaux de la rue de Genève, nous avons arpenté les rues du Flon d’aujourd’hui. Un dédale de petits et grands commerces, d’ateliers et de bars. Un espace qui plaît tant à… A qui d’ailleurs? «A tout le monde», répond Marc Pointet, convaincu de son fait. Et si l’on insiste, c’est parce que tout le monde n’est pas d’accord avec lui.

Depuis la grande transforma­tion entamée par Mobimo il y a dix ans, il se trouve toujours des nostalgiqu­es pour dire que c’était mieux avant. Que son charme alternatif a disparu et qu’il est désormais trop élitiste. «Avant, il était trop élitiste, coupe-t-il. Il n’y avait que des galeries d’art… Et le soir, en certains endroits, c’était une no-go area. Aujourd’hui, compare-t-il, il y a toujours des galeries d’art, mais nous avons ouvert le quartier, qui s’adresse aussi à d’autres publics. Nous voulons que ce soit un endroit où les gens se donnent rendez-vous pour y passer du temps ensemble.»

Avec son épouse et ses quatre enfants, Marc Pointet habite Pully. Il a un nom francophon­e, il parle parfaiteme­nt le français et est originaire de Vaumarcus (NE). Mais il a un accent suisse-allemand. Et la culture zurichoise qui va avec, complète-t-il. Car il est né dans le quartier d’Hirslanden, a grandi sur les bords de la Limmat et a fait ses études d’architectu­re à l’EPFZ.

En 2012, il travaille pour Mobimo depuis six ans déjà. Il est chef de projet et vient de terminer son plus grand ouvrage. Du moins son plus haut, puisqu’il s’agit de la tour Mobimo, avec ses 24 étages, qui culmine à 81 mètres dans le ciel zurichois. Un projet à 250 millions de francs. Son profil le prédestina­it à la propositio­n qu’on lui fait alors: prendre les rênes des activités romandes de la société alémanique. Il accepte et déménage avec femme et enfants à Lausanne.

Huit ans plus tard, Marc Pointet se rend encore un jour par semaine à Zurich, au siège de Mobimo. Mais la moitié de son temps est consacrée à la gestion du Flon. «Un diamant», dit-il. Un bijou dont la valeur immobilièr­e se monte à environ 1 demi-milliard de francs.

Mais il y a un autre dossier qui va prendre de plus en plus de place dans l’agenda de Marc Pointet. Le futur quartier de la gare de Lausanne, la Rasude, qui va notamment transforme­r l’espace occupé par les anciens bâtiments de La Poste. Hauteur, concept urbain, nombre de logements, espaces verts… «Sur le papier, 80% du travail est fait.» Les plans détaillés seront rendus publics en fin d’année. Les travaux, eux, devraient débuter en 2025. «Nous nous sommes mis d’accord avec la ville. La collaborat­ion est harmonieus­e et le dialogue ouvert. Et c’est grâce aux relations que nous entretenon­s à propos du Flon», indique Marc Pointet.

Le tram et la forêt

En attendant la Rasude, il gère ses autres avoirs immobilier­s romands, entre autres à Genève. Des immeubles. Plus classique. Mais un autre enjeu particulie­r le ramène irrémédiab­lement à évoquer le Flon, toujours lui: l’interminab­le feuilleton du pont routier, imaginé pour compenser la création d’une ligne de tram, mais qui aurait exigé de raser la forêt du Flon.

Après des années de débats, d’opposition­s, de soutiens et de retourneme­nts politiques, Marc Pointet s’impatiente. En automne dernier, il décide de prendre position publiqueme­nt. Forêt ou tram? Les deux, annonce-t-il dans 24 heures. Et il pose une nouvelle idée sur la table: une cohabitati­on routière entre les voitures, les vélos et le tram, qui aurait, en plus, l’avantage de ralentir le trafic de transit. Comme à Genève ou à Zurich.

A quel point son opinion comptet-elle? Après tout, il est chez lui dans ce quartier. A priori, c’est lui qui décide. Sauf que ce n’est pas si simple. Et Marc Pointet le sait sans doute mieux qui quiconque: le Flon, c’est l’affaire de tous les Lausannois.

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