La haine redevient-elle «un maître d’Allemagne?»
Après le choc, le pays s’insurge contre l’attentat xénophobe de mercredi soir, à Hanau. L’heure est à la colère
Quatre mois après l’attaque contre une synagogue dans la ville de Halle et cinq jours à peine après le démantèlement d’un groupe terroriste qui planifiait des attaques contre des lieux de culte musulmans, l’Allemagne lutte de nouveau contre ses vieux démons. L’auteur de deux fusillades, mercredi 19 février, dans la petite ville de Hanau, dans la Hesse, a bel et bien agi sous le coup d’une «idéologie profondément raciste», comme l’a confirmé Peter Frank, procureur de la République, chargé de l’affaire.
Tobias R., un Allemand de 43 ans, natif de Hanau, a tout du loup solitaire radicalisé. Inconnu à ce jour des services de police, il a choisi, pour tirer dans la foule, deux bars à chicha très fréquentés par des personnes d’origine arabe et turque. Neuf personnes y ont été tuées et six autres blessées. Au petit matin, la police a découvert l’assaillant, mort, dans son appartement. A ses côtés gisait sa mère, elle aussi tuée par balle.
Théories du complot
Dans une vidéo diffusée sur YouTube, l’homme explique dans un anglais parfait sa vision du monde, entre théories du complot et propos racistes à l’encontre des Arabes et Turcs. Il y affirme aussi être surveillé par des services de renseignement et dénonce «la présence aux EtatsUnis d’installations militaires souterraines où des enfants seraient maltraités et tués».
Selon les premières données de l’enquête, Tobias R. aurait agi seul, mais son acte s’inscrit dans un contexte politique tendu, avec la montée du parti Alternative pour l’Allemagne, dont de nombreux membres et dirigeants ne cachent ni leurs positions antisémites ni leur haine envers les musulmans et l’islam. Quant aux actes de violence liés aux mouvances de droite radicale, ils sont en très nette augmentation. Comme le rappelle Heiko Maas, chef de la diplomatie allemande, c’est «la troisième attaque meurtrière d’extrême droite en un an», après l’assassinat en juin du préfet chrétien-démocrate de Cassel, Walter Lübcke, et l’attentat contre une synagogue à Halle en octobre. «Le terrorisme de droite est à nouveau un danger pour notre pays» constate-t-il. Visiblement émue, la chancelière Angela Merkel a aussi condamné cet attentat. «Le racisme est un poison. La haine est un poison», a-t-elle déclaré, lapidaire. Le ministre de l’Intérieur Horst Seehofer ainsi que le président de la République Frank-Walter Steinmeier ont fait le déplacement hier sur le lieu du drame.
L’indignation est particulièrement forte du côté des représentants des minorités. «Le terroriste de Hanau a peutêtre agi seul mais son idéologie meurtrière et raciste n’est en aucun cas un cas isolé, comme le montrent les résultats électoraux effrayants et comme le montrent aussi quasi quotidiennement les fascistes des partis d’extrême droite dans notre pays», commente, amère, Aiman Mazyek, président du Conseil central des musulmans en Allemagne. Même colère de la part du Conseil central des juifs. «La montée de l’extrémisme de droite est négligée depuis trop longtemps», a reproché son président Josef Schuster. «La question inquiétante est de savoir si les minorités et ceux qui s’engagent pour elles peuvent encore vivre en Allemagne. La responsabilité en revient aux politiciens, forces de l’ordre, pouvoir judiciaire et à la société civile», a-t-il déclaré dans un communiqué.
Appels à réagir
Dans la classe politique, les appels à la réaction se sont multipliés toute la journée. «Des gens sont assassinés, notre pays a peur, notre démocratie libre peut être détruite», s’insurge Michael Roth, député fédéral, élu de Hesse. «Tous les démocrates doivent enfin être solidaires. Hanau doit être un tournant dans la lutte contre le terrorisme de droite. Levez-vous!» lance ce social-démocrate sur Twitter. Des appels à manifester, contre la haine, ont été lancés dans une cinquantaine de villes jeudi soir.
De leur côté, les autorités s’interrogeaient dans un premier temps sur les mesures de sécurité supplémentaires à prendre en cette période de carnaval, très suivie en Allemagne. Le ministre de l’Intérieur, Horst Seehofer, a évoqué le risque d’attaques similaires dans les prochains jours.
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