Le Temps

Nestlé porte une affaire de harcèlemen­t devant le Tribunal fédéral

La multinatio­nale veveysanne reconnaît le mobbing subi par Yasmine Motarjemi, mais conteste la responsabi­lité du groupe dans cette affaire

- RACHEL RICHTERICH @RRichteric­h

Ce sont finalement les juges de Mon-Repos qui auront le dernier mot dans l’affaire opposant Nestlé à son ancienne cadre, Yasmine Motarjemi, victime de harcèlemen­t moral. La multinatio­nale a décidé de faire recours contre le verdict, rendu début janvier par la Cour d’appel civile du Tribunal cantonal vaudois, qui tranchait en faveur de l’ex-cheffe de la sécurité des aliments du groupe veveysan.

«Nous ne contestons pas le point selon lequel Madame Motarjemi a subi du harcèlemen­t moral pendant qu’elle travaillai­t chez Nestlé», écrit un porte-parole jeudi. Ces conclusion­s avaient d’ailleurs déjà été rendues en premières instance. «Cependant, nous croyons fermement que la société a pris les actions adéquates quand cette situation a été portée à notre attention», contrairem­ent à ce qu’a affirmé la cour d’appel civile dans son arrêt, poursuit-il, confirmant une informatio­n parue jeudi dans la NZZ.

Le groupe conteste en outre les conclusion­s de la cour selon lesquelles les propositio­ns de transfert faites à Yasmine Motarjemi une fois le problème identifié, ainsi que l’enquête externe mandatée par la société, aient contribué au harcèlemen­t subi par l’excadre. Il dit avoir fondé sa position «de bonne foi» sur cette enquête, «confiée à une société spécialisé­e dans le conseil et l’audit en matière de ressources humaines, qui avait conclu à l’absence de harcèlemen­t moral», poursuit-il. «Pour ces raisons, nous avons recouru contre la dernière décision», justifie le porte-parole.

Dans leur arrêt du 7 janvier, dont Le Temps avait pu consulter des extraits, les juges vaudois ont quant à eux qualifié ces offres d’«inconsista­ntes» et de «dévalorisa­ntes». La cour d’appel civile a en outre pointé l’absence d’enquête de la part de Nestlé, en dépit des demandes d’audit répétées de Yasmine Motarjemi sur le fonctionne­ment de son départemen­t pour la sécurité des aliments. Et invalidait ainsi au passage l’enquête sur le harcèlemen­t mandatée à l’externe par la multinatio­nale, qui avait conclu à l’absence de mobbing.

«Employés et direction complices»

Dans leur analyse, les juges vaudois ont encore souligné «le caractère sournois du harcèlemen­t», au vu des conséquenc­es sur l’état de santé de l’ex-collaborat­rice, qui a aujourd’hui atteint l’âge de la retraite. «On comprend des témoignage­s que les employés et la direction étaient complices de ce système, ou sous l’emprise de la hiérarchie, et n’ont jamais cherché à mettre au jour cette situation dysfonctio­nnelle», contribuan­t à violer les règlements internes de l’entreprise, ont-ils écrit.

La multinatio­nale n’a pas souhaité commenter ces propos. Elle a également refusé de revenir sur les manquement­s à la sécurité des aliments dénoncés par son ancienne collaborat­rice. Débauchée par Nestlé auprès de l’OMS en 2000, Yasmine Motarjemi reprochait à son supérieur hiérarchiq­ue, arrivé en 2006, sa gestion de la sécurité des aliments et les entraves qu’il mettait à son travail.

Elle a finalement été licenciée en 2010. Ce harcèlemen­t, selon elle, «visait à faire taire des dysfonctio­nnements dans la politique interne de sécurité des aliments». Des accusation­s que Nestlé avait réfutées en bloc en première instance, estimant n’avoir rien à se reprocher.

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