Le Temps

Sergio Ermotti quitte un job «de rêve»

- M. F.

UBS a trouvé un remplaçant pour le Tessinois, qui aura passé neuf ans à la tête de la première banque suisse. Sergio Ermotti restera comme l’architecte de la restructur­ation d’UBS

Neuf ans. Autrement dit une éternité dans le secteur bancaire. C’est le temps qu’aura passé Sergio Ermotti à la tête d’UBS. «Diriger UBS a été un privilège. Il n’y a jamais de bon moment pour se retirer de ce qui a été un job de rêve, mais même les rêves ont une fin… J’ai presque 60 ans, et le moment est venu pour la banque et pour moi-même d’ouvrir un nouveau chapitre», s’épanchait le responsabl­e dans un mémo envoyé aux employés d’UBS tard mercredi soir et que Le Temps a pu consulter.

«Cela n’a pas toujours été facile, mais merci à vous tous et à nos anciens collègues, notre entreprise est en très bonne santé aujourd’hui», s’est félicité le Tessinois, heureux d’avoir «restauré la fierté parmi ceux qui travaillai­ent chez UBS».

Des rumeurs circulaien­t depuis un an sur sa succession. Plusieurs noms, issus de la direction générale, avaient été évoqués pour prendre la place du Tessinois. Notamment celui d’Iqbal Khan, qui, lorsqu’il a été nommé à la tête de la gestion de fortune l’été dernier, a tout de suite été vu comme l’héritier choisi par Sergio Ermotti lui-même. Mais c’est finalement le Néerlandai­s Ralph Hamers, patron d’ING, qui le remplacera en novembre prochain.

UBS France, une épine dans le pied

Arrivé en avril 2011 de la banque italienne Unicredit, Sergio Ermotti avait dû remplacer quelques mois plus tard Oswald Grübel ad interim, alors que celui-ci était emporté par l’affaire Adoboli, du nom du trader londonien qui avait fait perdre plus de 2 milliards de francs à la banque. Il avait ensuite été officielle­ment nommé en novembre de la même année. On lui prêtait la volonté de partir une fois que les affaires du passé auraient été réglées. Il reste encore le cas UBS en France, dont le procès en appel doit se tenir en juin.

Sergio Ermotti est considéré comme l’architecte de la restructur­ation d’UBS, sauvée par la Banque nationale suisse et la Confédérat­ion fin 2008. Il a réduit drastiquem­ent la banque d’investisse­ment, à l’origine des problèmes, et s’est tourné vers l’Asie et la gestion de fortune. Un modèle dont se sont inspirés certains de ses rivaux, à commencer par Credit Suisse sous l’égide de Tidjane Thiam.

«Sergio Ermotti a mis en place une stratégie cohérente, procédé à une restructur­ation de grande ampleur et renforcé le bilan» MARIA RIVAS, ANALYSTE CHEZ DBRS MORNINGSTA­R

«Au cours de la dernière décennie, Sergio Ermotti a mis en place une stratégie cohérente, procédé à une restructur­ation de grande ampleur et renforcé le bilan», souligne Maria Rivas, analyste spécialisé­e dans les institutio­ns financière­s à l’agence de notation DBRS Morningsta­r. Elle ajoute que le groupe a aussi pu restaurer et stabiliser sa franchise après la crise, surtout dans la gestion de fortune. Avec 2635 milliards de francs sous gestion, UBS est la première banque dans la gestion de fortune au monde.

Dans son message aux employés, Sergio Ermotti s’est également félicité que la transforma­tion de la banque ait pu se faire sans devoir lever davantage de capital, comme cela a été le cas pour nombre de ses concurrent­s. «Nos actionnair­es ont, en réalité, reçu plus de 15 milliards de dollars de dividendes», a-t-il souligné. La banque, a-t-il poursuivi, affiche une assise financière «solide comme de la roche».

Egalement dans un mémo aux employés, Axel Weber, président du conseil d’administra­tion, a souligné à quel point la capacité bénéficiai­re de la banque s’est renforcée, «générant 28 milliards de dollars de fonds propres, dont 19 milliards qui ont été rendus aux actionnair­es, tout en absorbant l’équivalent de 14 milliards de frais» liés aux affaires du passé, dont des amendes.

Prochain président du conseil?

Seule ombre au tableau de Sergio Ermotti, une action qui a peiné à décoller. Depuis son entrée en fonction, elle a gagné quelque 20%. Comme le souligne l’analyste de Vontobel Andreas Venditti, on aurait pu espérer mieux, mais tout dépend de la comparaiso­n: «L’ensemble du marché a certaineme­nt fait une meilleure performanc­e, mais il serait plus juste de comparer avec les autres banques. Mais lesquelles? Credit Suisse ou Deutsche Bank, à la traîne? Ou JP Morgan, bien meilleure?»

La carrière de Sergio Ermotti chez UBS n’est peut-être pas finie. On prête à cet ancien banquier de Merrill Lynch l’envie de briguer la présidence du conseil d’administra­tion. Occupée par l’allemand Axel Weber, cette fonction devrait se libérer en 2022, date de la fin de son mandat. Le timing serait alors idéal. Même si la loi suisse ne l’impose pas, une pause entre les fonctions de directeur général et de président est souvent vue comme le signe d’une bonne gouvernanc­e. Questionné lors de la conférence de presse, Sergio Ermotti s’est légèrement agacé: «Je ne suis pas connu pour courir après quoi que ce soit. Je suis concentré sur mes devoirs pour les huit prochains mois. Aujourd’hui, il ne s’agit pas de mon futur. On s’en occupera au moment approprié.»

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