Afghanistan: l’illusion d’une paix durable et inclusive
C’est l’espoir que nourrissent une majorité d’Afghans après la signature à Doha le 29 février d’un accord entre l’administration Trump et les talibans. La plus longue guerre de l’Amérique (près de dix-neuf ans), celle menée en Afghanistan au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, pourrait enfin s’achever. Elle a tué 160000 personnes et forcé 2,5 millions d’Afghans à fuir. Elle a coûté 2000 milliards de dollars.
Le fait que la Maison-Blanche a décidé de prendre langue avec l’ennemi juré, les talibans, est à saluer. Comme l’ont montré des documents confidentiels obtenus par le Washington Post l’an dernier, les troupes américaines évoluent depuis quelques années sans stratégie ni objectifs clairs – et le bilan est médiocre.
L’accord prévoit un retrait total des troupes américaines et de l’OTAN dans les quatorze mois. Avant les négociations entre le gouvernement afghan et les talibans, censées débuter le 10 mars à Oslo, jusqu’à 5000 prisonniers talibans et 1000 membres des forces afghanes doivent être libérés. De leur côté, les talibans s’engagent à ne pas offrir un havre de paix aux groupes terroristes. Mais le document ne présente pas la perspective d’une paix durable.
Au cours de neuf cycles de négociations, les pourparlers n’ont jamais intégré le gouvernement d’Ashraf Ghani. Sans une paix inclusive, l’échec est assuré. Très affaibli après des élections contestées, gangrené par la corruption, le pouvoir de Kaboul participera aux pourparlers d’Oslo dans les pires conditions. Depuis 2001, les talibans n’ont jamais été aussi forts. Ils contrôlent une grande partie du pays. La cinquantaine d’attaques qu’ils ont menées ces derniers jours – auxquelles les Américains ont riposté par une frappe de missile –, révèle la fragilité de l’accord. Ce n’est pas pour rien que Washington cherche à obtenir l’appui du Conseil de sécurité de l’ONU. Un fait presque unique pour un accord bilatéral.
La manière dont Trump envisage le retrait révèle davantage une manière de solder la présence américaine en Afghanistan à quelques mois de la présidentielle qu’une volonté de résoudre le conflit afghan. Le risque: un effondrement de l’Etat comme après le départ des Soviétiques en 1989. Les plus inquiètes sont les Afghanes, qui ont peur de tout perdre. Interdites d’école par le régime des talibans dès 1996, les jeunes Afghanes sont désormais 39% à être scolarisées. Mais, retrait ou pas, l’Amérique devra rendre des comptes. La Chambre d’appel de la Cour pénale internationale a autorisé jeudi la CPI à enquêter sur de possibles crimes de guerre en Afghanistan. Un pavé dans la mare de Washington.
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Le bilan est médiocre