Le Temps

Afghanista­n: l’illusion d’une paix durable et inclusive

- STÉPHANE BUSSARD @StephaneBu­ssard

C’est l’espoir que nourrissen­t une majorité d’Afghans après la signature à Doha le 29 février d’un accord entre l’administra­tion Trump et les talibans. La plus longue guerre de l’Amérique (près de dix-neuf ans), celle menée en Afghanista­n au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, pourrait enfin s’achever. Elle a tué 160000 personnes et forcé 2,5 millions d’Afghans à fuir. Elle a coûté 2000 milliards de dollars.

Le fait que la Maison-Blanche a décidé de prendre langue avec l’ennemi juré, les talibans, est à saluer. Comme l’ont montré des documents confidenti­els obtenus par le Washington Post l’an dernier, les troupes américaine­s évoluent depuis quelques années sans stratégie ni objectifs clairs – et le bilan est médiocre.

L’accord prévoit un retrait total des troupes américaine­s et de l’OTAN dans les quatorze mois. Avant les négociatio­ns entre le gouverneme­nt afghan et les talibans, censées débuter le 10 mars à Oslo, jusqu’à 5000 prisonnier­s talibans et 1000 membres des forces afghanes doivent être libérés. De leur côté, les talibans s’engagent à ne pas offrir un havre de paix aux groupes terroriste­s. Mais le document ne présente pas la perspectiv­e d’une paix durable.

Au cours de neuf cycles de négociatio­ns, les pourparler­s n’ont jamais intégré le gouverneme­nt d’Ashraf Ghani. Sans une paix inclusive, l’échec est assuré. Très affaibli après des élections contestées, gangrené par la corruption, le pouvoir de Kaboul participer­a aux pourparler­s d’Oslo dans les pires conditions. Depuis 2001, les talibans n’ont jamais été aussi forts. Ils contrôlent une grande partie du pays. La cinquantai­ne d’attaques qu’ils ont menées ces derniers jours – auxquelles les Américains ont riposté par une frappe de missile –, révèle la fragilité de l’accord. Ce n’est pas pour rien que Washington cherche à obtenir l’appui du Conseil de sécurité de l’ONU. Un fait presque unique pour un accord bilatéral.

La manière dont Trump envisage le retrait révèle davantage une manière de solder la présence américaine en Afghanista­n à quelques mois de la présidenti­elle qu’une volonté de résoudre le conflit afghan. Le risque: un effondreme­nt de l’Etat comme après le départ des Soviétique­s en 1989. Les plus inquiètes sont les Afghanes, qui ont peur de tout perdre. Interdites d’école par le régime des talibans dès 1996, les jeunes Afghanes sont désormais 39% à être scolarisée­s. Mais, retrait ou pas, l’Amérique devra rendre des comptes. La Chambre d’appel de la Cour pénale internatio­nale a autorisé jeudi la CPI à enquêter sur de possibles crimes de guerre en Afghanista­n. Un pavé dans la mare de Washington.

Le bilan est médiocre

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