Le Temps

Moscou impose à Ankara un cessez-le-feu à Idlib

La Turquie et la Russie ont proclamé jeudi un cessez-le-feu à Idlib, dans le nord de la Syrie. Leur accord sonne comme une défaite pour Ankara, qui se retrouve en possession d’une zone réduite et surpeuplée

- (PAVEL GOLOVKIN/POOL VIA REUTERS)

GÉOPOLITIQ­UE A Moscou, Vladimir Poutine et Recep Tayyip Erdogan se sont entretenus durant six heures hier (dont trois heures en tête à tête) pour parvenir à un accord en forme de reculade pour la Turquie. Mais les détails des positions qui seront adoptées par chaque partie sur le front syrien restent vagues.

Il aura fallu près de six heures de discussion­s, dont trois heures de tête-à-tête. Recevant à Moscou le président turc, Recep Tayyip Erdogan, Vladimir Poutine a finalement pu annoncer un accord sur la Syrie. Les armes, ont assuré les deux hommes, devaient se taire dans la région d’Idlib, dans le nord du pays, à partir de jeudi minuit. Au-delà de ce cessez-lefeu, les positions détaillées par la suite par leurs ministres restaient particuliè­rement vagues. Elles semblaient, faute de mieux, se centrer sur l’établissem­ent de «patrouille­s communes» censées maintenir le calme le long d’une autoroute, la M4, qui coupe en deux la province syrienne.

Au nord de cet axe: la Turquie et les milices syriennes qu’elle contrôle. Au sud: les forces loyales au président Bachar el-Assad, les Russes et les Iraniens. Malgré sa démonstrat­ion de force de ces derniers jours, et malgré des succès militaires réels accomplis principale­ment grâce à des attaques de drones, la Turquie recule et se trouve en position défensive. Elle obtiendrai­t certes, si l’accord venait à tenir, une espèce de «zone protégée» qu’Ankara appelait depuis longtemps de ses voeux. Mais cet espace est actuelleme­nt peuplé d’un million de réfugiés syriens qui, selon cet accord, n’auraient pratiqueme­nt plus la moindre chance de retourner dans leurs foyers, désormais reconquis par un régime syrien qui a tout fait pour les en déloger.

En parallèle de ces très longues discussion­s, qui se concluent par une sorte de capitulati­on turque, les combats s’étaient poursuivis tout au long de la journée de jeudi, notamment autour de l’importante ville de Saraqeb, qui est à présent détenue par l’armée syrienne et ses alliés. Au moins 15 personnes, dont plusieurs enfants, ont été tuées lors du bombardeme­nt de la petite ville de Maarat Masrin par l’aviation russe.

Auparavant, Erdogan avait reçu un semblant de soutien tardif de la part des Etats-Unis, le secrétaire d’Etat, Mike Pompeo, appelant Bachar el-Assad à retirer ses troupes en deçà des lignes qui prévalaien­t avant l’offensive lancée ces dernières semaines. Pompeo avait affirmé le «plein droit» de la Turquie à se défendre et affirmé que les Etats-Unis «évaluaient» la possibilit­é de procurer de nouveaux armements à Ankara.

Sans les Syriens

Les deux pays continuent d’entretenir des relations pour le moins compliquée­s

Cet accord s’est conclu en l’absence des Syriens à Moscou, bien qu’il ait suscité, ensuite, une certaine satisfacti­on de la part d’analystes proches du régime de Damas. Au-delà du sort d’Idlib, et de ses centaines de milliers de réfugiés, la Turquie entend aussi conserver d’autres zones en Syrie, plus à l’est, occupées par l’armée turque lors d’opérations militaires précédente­s et destinées principale­ment à empêcher l’établissem­ent d’un «territoire kurde» continu à sa frontière.

Alors que la Turquie et la Russie n’étaient pas loin, ces dernières semaines, d’un affronteme­nt direct, les deux pays continuent d’entretenir des relations pour le moins compliquée­s, puisqu’ils ont conclu des accords commerciau­x (à propos notamment d’un gazoduc destiné au sud de l’Europe) et militaires (l’achat par la Turquie de missiles russes). Moscou et Ankara restent néanmoins adversaire­s en Libye, où ils participen­t dans des camps opposés à cette autre guerre qui, progressiv­ement, prend les allures d’une extension du conflit syrien.

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 ?? (PAVEL GOLOVKIN/POOL VIA REUTERS) ?? Le président russe Vladimir Poutine (à droite) avec son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan, jeudi à Moscou.
(PAVEL GOLOVKIN/POOL VIA REUTERS) Le président russe Vladimir Poutine (à droite) avec son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan, jeudi à Moscou.

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