Le Temps

Le franc fort, une maladie de second rang

En d’autres temps, l’euro à 1,06 franc aurait suscité les pires inquiétude­s. Mais aujourd’hui, les taux de change ne font pas le poids face à l’épidémie de Covid-19

- SERVAN PECA @servanpeca

Si le Seco respecte son calendrier, il faudra patienter jusqu’au 17 mars pour savoir plus précisémen­t ce que pourrait coûter l’épidémie de coronaviru­s à l’économie suisse. C’est la date à laquelle le Secrétaria­t d’Etat à l’économie publiera ses prévisions pour 2020.

En attendant, les signaux d’alerte et les appels à l’aide se multiplien­t. Tourisme, horlogerie, industrie des machines, événementi­el… de nombreux secteurs sont déjà affectés. Pour ne rien arranger, la Suisse doit également composer avec un franc toujours aussi fort.

Jeudi, comme depuis plusieurs mois, l’euro ne valait plus que 1,06 franc. Le dollar, 96 centimes. C’est à peu près le même niveau qu’à fin janvier 2015, lorsque, dans la foulée de l’abandon du taux plancher, des mesures particuliè­res avaient été déployées. Et notamment le recours facilité au chômage partiel pour cause de franc fort. Cette aide avait pris fin trois ans et demi plus tard, en août 2018, alors que l’euro valait environ 1,12 franc.

La Suisse doit-elle de nouveau déclarer l’urgence monétaire? «Le franc fort demeure un fardeau, mais par rapport au reste, ce n’est plus un problème majeur, tempère Claude Maurer, économiste chez Credit Suisse. Les entreprise­s exportatri­ces ont appris à vivre avec. Elles ont pris des mesures pour améliorer leur compétitiv­ité. Et aujourd’hui, elles se couvrent de manière systématiq­ue contre les risques de change.»

La BNS pas trop inquiète

C’est un fait avéré. L’économie suisse dépend davantage de la dynamique du commerce internatio­nal que des taux de change. Ainsi, si Credit Suisse a revu à la baisse sa prévision de croissance pour 2020 (de 1,4% à 1%), c’est avant tout pour prendre en compte le ralentisse­ment mondial. Et non pas la force du franc. Presque la moitié des exportatio­ns dépendent des industries chimique et pharmaceut­ique, peu sensibles aux mouvements de change, rassure encore Claude Maurer.

L’économiste s’attarde également sur la nouvelle donne, deux jours après que la Réserve fédérale américaine a surpris son monde en baissant ses taux d’un demi-point de pourcentag­e. Les marchés prévoient qu’il y en aura d’autres ces prochains mois. «Il nous semble que ces anticipati­ons sont déjà dans les prix. Le franc pourrait donc ne pas monter davantage, et ce même si la Banque centrale européenne baissait elle aussi ses taux.»

A priori, pas de nouvelle baisse de taux en Suisse, donc. Mais des interventi­ons sur le marché des changes, pour limiter l’appréciati­on du franc. En deux semaines, la Banque nationale suisse (BNS) en a vendu 5 milliards. «C’est beaucoup, mais ce n’est pas très élevé par rapport à de précédents épisodes», conclut Claude Maurer. Signe, selon lui, que la BNS est inquiète, mais pas trop inquiète.

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