Le Temps

«On ne peut pas laisser courir le virus»

L’épidémiolo­giste de l’EPFL Marcel Salathé met en garde contre une banalisati­on du virus. Ce dernier connaît un taux de mortalité dix fois supérieur à la grippe saisonnièr­e

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Après l’annonce d’un premier décès en Suisse, la priorité première est de freiner l’expansion du coronaviru­s pour gagner du temps dans l’attente d’un vaccin et éviter une surcharge du système de santé, a estimé jeudi Marcel Salathé, épidémiolo­giste à l’EPFL.

Avec une mortalité de l’ordre de 3,4% dans le monde, selon les derniers chiffres de l’Organisati­on mondiale de la santé (OMS), ce premier cas mortel en Suisse était à attendre. Tôt ou tard, a indiqué jeudi Marcel Salathé, il se pourrait que la quasi-totalité de la population du pays entre en contact avec le virus.

Pour le spécialist­e de l’Ecole polytechni­que fédérale de Lausanne (EPFL), il est probableme­nt impossible désormais de stopper l’épidémie. Même la Chine n’y est pas parvenue avec des mesures strictes. Le plus important, selon lui, est de gagner du temps pour développer un vaccin et des médicament­s, afin de protéger notamment les groupes à risque. Il s’agit également d’éviter une surcharge du système de santé.

Pas de vaccin et pas d’immunité au sein de la population

«On ne peut pas simplement laisser courir le virus dans la population», souligne l’épidémiolo­giste. Actuelleme­nt, il y a en Suisse un cas pour 100 000 habitants. Si on laissait faire, dans deux mois, on aurait 500 cas pour 100 000 habitants et, à fin mai, à une personne sur dix infectée en Suisse.

Comme 5% présentent des complicati­ons, cela signifiera­it qu’à fin avril, 5% des hospitalis­ations seraient dues au Covid-19. Et à fin mai, tous les lits d’hôpitaux du pays seraient théoriquem­ent occupés par des patients souffrant du coronaviru­s, selon les calculs de l’épidémiolo­giste.

Il faut à tout prix éviter «ce scénario du pire», a-t-il ajouté. Il met en garde contre une banalisati­on du virus: «Il est faux de dire que c’est comme la grippe saisonnièr­e.» Le taux de mortalité est environ dix fois plus élevé, il n’y a pas de vaccin, et pas d’immunité au sein de la population.

L’ensemble de mesures non pharmaceut­iques prises jusqu’ici en Suisse ont fait leurs preuves lors de précédente­s épidémies, relève Marcel Salathé. On voit d’ailleurs que les dispositio­ns très strictes prises en Chine freinent l’expansion du virus.

L’Europe y parviendra-t-elle? Le spécialist­e se dit convaincu qu’une coordinati­on nationale et internatio­nale peut faire gagner un temps précieux dans cette crise. A cet égard, il s’attend à ce que des mesures renforcées soit prises en Suisse au cours des prochains jours et des prochaines semaines.

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