Le Temps

Au Tessin, des offres d’emploi qui choquent

Miné par le dumping salarial, le marché du travail tessinois connaît une situation extrêmemen­t difficile. L’initiative de l’UDC contre la libre circulatio­n pourrait être plébiscité­e

- ANDRÉE-MARIE DUSSAULT, LUGANO @AMarieDuss­ault

Un emploi à temps plein dans une entreprise métallurgi­que pour 2300 francs brut par mois. Un architecte, avec sept ans d’expérience, pour 1500 francs brut par mois. Voilà deux exemples d’offres d’emploi qui ont suscité de vives réactions au sud des Alpes ces dernières semaines. Dans le second cas, l’employeur s’est justifié en précisant qu’il s’agissait d’un poste à temps partiel. Pourtant, la convention collective de travail signée en 2018 par les syndicats et l’Ordre des ingénieurs et des architecte­s (Otia) prévoit comme salaire de base pour un architecte débutant 60000 francs par an.

«Trop formés», les jeunes ne trouvent pas d’emploi au Tessin. A l’instar de cette jeune femme de Bellinzone, 23 ans, titulaire d’un certificat fédéral de capacité (CFC) de «spécialist­e en restaurati­on» à qui l’on offre un poste à temps plein pour 2800 francs. Alors que la CCT prévoit un salaire minimum d’environ 3800 francs brut.

Président de la section suisse italienne de l’Union syndicale suisse (USS), Graziano Pestoni assure que la situation au Tessin n’a jamais été aussi catastroph­ique. Le marché du travail connaît sa pire période depuis l’entrée en vigueur de l’accord sur la libre circulatio­n en 2002, observe-t-il. «C’est très grave. Nous n’assistons pas seulement à du dumping salarial, mais aussi à la précarisat­ion des conditions de travail. Par exemple, on vous embauche pour trois ou six mois, en vous faisant signer des contrats à terme à répétition.»

Très peu de CCT

Dans le canton, seuls 45% des travailleu­rs sont au bénéfice d’une CCT ou d’un règlement public, rappelle le syndicalis­te, ajoutant que dans le secteur tertiaire le nombre de frontalier­s a triplé en quinze ans.

Plusieurs jeunes Tessinois vont étudier en Suisse romande ou en Suisse alémanique. «Avant, ils rentraient travailler au Tessin. Aujourd’hui, ils n’obtiennent pas un salaire leur permettant de vivre ici, d’autant plus que le coût de la vie est devenu le même qu’au nord des Alpes», déplore-t-il. Le syndicat chrétien OCST signalait récemment qu’en moyenne, au Tessin, on gagne 14,1% de moins qu’ailleurs dans le pays.

Le conseiller aux Etats tessinois Marco Chiesa (UDC) prédit que l’initiative de son parti «Pour une immigratio­n modérée» sera massivemen­t soutenue le 17 mai au sud des Alpes. Un avis largement partagé au Tessin, y compris par les opposants à ce texte.

«Nous souhaitons des profession­nels étrangers dans les secteurs où les Suisses manquent; nous voulons une migration complément­aire, et non pas de substituti­on», affirme Marco Chiesa. Selon qui, au Tessin, il y a plus de places de travail occupées par des étrangers que par des Tessinois. «Le canton compte 20000 sous-employés et le risque de pauvreté est deux fois plus élevé que la moyenne suisse», souligne le sénateur UDC. Quant au salaire minimum tessinois, censé entrer en vigueur d’ici à 2024, l’élu craint qu’il attire les étrangers et devienne le salaire de référence pour tous.

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