Suspense autour du brut à Vienne
L’Organisation des pays producteurs de pétrole propose une nouvelle coupe drastique de la production pour faire remonter les prix, qui chutent dans le sillage de l’épidémie de Covid-19. Tous les regards sont tournés vers la Russie, qui doit trancher vendredi
On ne se serre pas la main, on ne s’embrasse pas, on se lave les mains, on évite les contacts rapprochés. Même sur les formalités, le huitième sommet de l’OPEP+, qui se tient jeudi et vendredi, est inédit. Les réunions de ces nations, surtout africaines, moyen-orientales et sud-américaines, qui produisent ensemble la majorité du pétrole mondial, ont jusqu’à présent été réputées pour leur côté chaleureux. Mais cette année, à l’entrée du siège de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole à Vienne, les panneaux cassent l’ambiance.
«Si quelqu’un arrive avec plus de 37,5°C de fièvre, l’alerte est donnée», indique une source à Reuters. Des sueurs froides, les pays producteurs ont pourtant de quoi en avoir: les cours du brut plongent depuis le 3 janvier. Ce jour-là, 44 patients atteints par le coronavirus sont signalés à Wuhan, contre 27 la veille. Un mois après l’apparition du premier cas dans cette mégapole chinoise, l’épidémie se propage.
«Uniquement à cause du virus»
Le 24 janvier, la province de Hubei est en quarantaine et le prix du baril de Brent a plongé, passant de plus de 70 à 62 dollars. Il s’échange désormais autour des 53 dollars.
«La chute du pétrole, c’est uniquement à cause du virus, selon Ole Hansen, spécialiste des matières premières chez Saxo Bank. C’est le plus grand choc sur le pétrole depuis 2008.» Selon l’analyste, le pétrole est un meilleur indicateur de l’économie que les marchés des actions, qui se sont montrés volatils ces dernières semaines.
«Sans les chutes de la production en Libye, au Venezuela et en Iran, la situation serait pire», estime Ole Hansen. En Libye, la production d’or noir est passée de 1,2 million de barils par jour à 100000 depuis la fermeture, en janvier, d’installations extractives essentielles par le dissident Khalifa Haftar. Des sanctions américaines ont fait plonger la production au Venezuela, qui dispose de réserves pétrolières parmi les plus importantes au monde.
A Vienne, les nations de l’OPEP (Arabie saoudite, Algérie, Angola, Emirats arabes unis, Equateur, Gabon, Guinée équatoriale, Irak, Iran, Koweït, Libye, Nigeria, République du Congo, Venezuela) se sont réunies jeudi. Vendredi, elles accueillent leurs alliés, dix autres pays producteurs (Russie, Mexique, Kazakhstan, Azerbaïdjan, Bahreïn, Brunei, Malaisie, Oman, Soudan et Soudan du Sud). Les Etats-Unis, qui ne disposent pas de mécanisme légal de contrôle de la production de pétrole, ne font pas partie de l’OPEP.
Pour enrayer la chute des cours, l’Arabie saoudite (troisième producteur derrière les Etats-Unis et la Russie) et les autres membres de l’OPEP ont proposé une coupe de production de 1,5 million de barils par jour jusqu’au 30 juin.
L’OPEP+ observe depuis 2017 de stricts quotas de production. En décembre, 1,7 million de barils par jour ont été retirés du marché, un effort anéanti par le coronavirus. La demande chinoise s’est réduite de 4 millions de barils par jour, ce qui correspond à 4% de la demande globale. Elle redémarre depuis deux semaines, mais en Europe et aux Etats-Unis, où le virus se propage, elle pourrait baisser à son tour, selon les analystes.
Convaincre Moscou
Une décision doit être annoncée à la suite de la réunion avec les alliés de l’OPEP. Il s’agira surtout de convaincre la Russie, dont la position n’est pas claire: à Moscou, certains voudraient que les cours remontent mais d’autres souhaitent maintenir des tarifs à moins de 50 dollars pour que la pression sur les Etats-Unis, où les prix du gaz de schiste sont au plus bas, se poursuive.
En attendant, sur le fil d’actualité de l’OPEP, un tweet montre le secrétaire général de l’organisation et le ministre russe de l’Energie qui se saluent en se touchant les pieds. D’autres photos ont été postées sur le réseau: on y voit de nombreux ministres qui se serrent la main.
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