Le Temps

Et le César de l’intelligen­ce collective va à…

- STÉPHANE BENOIT-GODET RÉDACTEUR EN CHEF

Nous avons tous fait cette expérience: nous réfléchiss­ons à plusieurs lors d’une réunion et, à la fin, nous en sortons avec une meilleure idée que si nous avions travaillé tout seul dans notre coin… la plupart du temps sans savoir qui est l’auteur du coup de génie! Parce qu’elle est collective, la solution trouvée remporte l’adhésion d’un groupe dont chaque membre aura à coeur de la faire appliquer dans son secteur.

C’est une démonstrat­ion de ce que rend possible l’intelligen­ce collective: avec de la créativité, en visant le bien commun et en refusant les ego trop affirmés, les réalisatio­ns finissent par suivre. L’actualité nous sert sur un plateau des exemples de triomphes ou d’échecs patents de l’intelligen­ce collective. Dans le cadre du Covid-19, par exemple, l’équipe réunie autour d’Alain Berset gère – en tout cas jusqu’ici – avec profession­nalisme, autorité et transparen­ce la traversée de la tempête.

Ce n’était pas gagné. Dans une Suisse qui a souvent du mal à passer à la vitesse supérieure quand le cours des événements s’emballe, le citoyen pouvait craindre le pire. Il y a d’abord eu un premier constat rassurant. Cela paraît bête, mais on se rend compte dans de tels moments que des gens ont anticipé de telles situations de crise: il y a des lois et des règles, des dispositif­s qui sont prévus à cet effet. Nous avons même parfois voté sur ces sujets qui nous semblaient jusqu’alors bien hypothétiq­ues. Sacré moment que celui où l’on se rend compte que le malin de l’affaire, c’est nous! Et signe aussi que la démocratie reste un acte extraordin­aire d’intelligen­ce collective.

A d’autres occasions, un groupe ne parvient pas à surmonter une épreuve. La crise met alors en exergue l’incapacité de s’organiser face à une menace (le 11-Septembre aux Etats-Unis), à un accident prévisible (Tchernobyl en ex-URSS) ou à l’effondreme­nt du sens commun (la France en 2020). C’est dans un moment comme celui de la présidence Macron – où objectivem­ent les choses vont mieux du point de vue du chômage, critère déterminan­t s’il en est – que l’on mesure combien une communauté peut s’avérer incapable de trouver des solutions raisonnabl­es à ses problèmes.

La cérémonie des Césars 2020, qui mettait sur scène tous les malaises du moment, l’a démontré. Chacun des participan­ts qui s’exprimait (ou plutôt revendiqua­it) son identité avait raison pour lui et tort pour tous les autres. L’impossibil­ité d’envisager un horizon commun, de réfléchir ensemble et de ne surtout pas tomber dans ce fichu travers bien français, le recours ultime à un homme providenti­el, semble mener le pays à sa perte.

A moins que. Car l’intelligen­ce collective a ceci de réjouissan­t qu’elle augmente avec la proportion de femmes dans un groupe, la diversité constituan­t son principal carburant. Un collectif intelligen­t plutôt qu’un homme fort mais seul: la propositio­n a de quoi séduire.

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