Et les compositrices?
Irène Minder-Jeanneret est musicologue. Elle est surtout une lobbyiste de la parité dans le monde de la musique classique. «Durant toute ma formation, jusqu’à l’âge adulte, le monde musical m’a systématiquement empêchée de prendre connaissance des oeuvres écrites par des compositrices.
Aujourd’hui encore, la musique écrite par des femmes est très fortement sous-représentée sur les scènes classiques, déplore-t-elle. Cette situation vaut aussi pour les cheffes d’orchestre: plus il y a d’argent et de prestige en jeu, moins il y a de femmes.»
Pourtant, elles existent. Pour la bibliothèque de la Haute Ecole des arts de Berne, Irène Minder-Jeanneret a constitué un fonds de 6000 partitions de musique. Il s’agissait à la fois de montrer que les femmes ont toujours composé, et de rendre ce travail visible et accessible pour les interprètes. Depuis, elle contacte les orchestres et autres formations musicales de Suisse pour leur proposer ces pièces méconnues.
«Les oeuvres symphoniques de la Croate Dora Pejačević (1885-1923) sont puissantes et témoignent de son esprit pionnier; elles sont impossibles à placer dans nos concerts. J’ai réussi à faire jouer du Louise Farrenc (1804-1875), une magnifique compositrice française du début du XIXe siècle, à Berne.»
Irène Minder-Jeanneret a également cofondé deux associations pour promouvoir les oeuvres de deux compositrices suisses, la Genevoise Caroline Boissier-Butini (1786-1836) et Caroline Charrière (1960-2018). «Si on ne le fait pas, leur musique tombe dans l’oubli», regrette-t-elle.
Elle s’engage en faveur de la musique de compositrices et de celle de compositeurs méconnus – à savoir la majorité des compositeurs suisses – pour que les trésors musicaux délaissés reviennent sur le devant des scènes. Pour cela, le travail à faire est immense: rechercher, identifier, publier. «Puis convaincre les interprètes de prendre le risque de jouer des oeuvres méconnues.» Elle ajoute: «Quant au public, il est beaucoup plus curieux et réceptif qu’on ne le dit.»
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