Le Temps

L’ombre de Barack Obama

- VALÉRIE DE GRAFFENRIE­D

Ainsi donc, Joe Biden et Bernie Sanders, 155 ans à eux deux, seront le binôme à observer ces prochaines semaines. Et déjà, ils essaient de s'arracher les faveurs de Barack Obama. Le premier a été son vice-président, et joue beaucoup là-dessus. C'est aussi l'une des raisons pour lesquelles il est très populaire au sein de l'électorat afro-américain. Mais le «socialiste» Bernie Sanders veut également en tirer profit. Les Noirs, il doit justement les soigner, comme l'ont démontré ses résultats lors du Super Tuesday. Alors pour un de ses nouveaux clips de campagne, le sénateur du Vermont n'a pas hésité à reprendre d'anciennes images et sons de Barack Obama faisant ses louanges. Bien joué. Certains n'y verront que du feu.

Car Barack Obama, justement, que l'on ne s'y méprenne pas, n'a pas voulu soutenir un candidat en particulie­r. Qu'il le veuille ou non, il reste néanmoins très présent dans cette campagne. Regardez Pete Buttigieg. Celui qui était jusqu'à dimanche le plus jeune candidat démocrate dans la course à la Maison-Blanche, a adopté ses tics de langage, ses attitudes, ses expression­s. Sur Twitter, des montages de discours mis côte à côte se révèlent redoutable­s. Rien à voir avec le plagiat grossier de Melania Trump, qui a prononcé un discours de Michelle Obama sans s'en rendre compte à cause d'un ghostwrite­r peu scrupuleux. Non, là on est plutôt dans le mimétisme, le réflexe presque pavlovien, qui découlerai­t plutôt d'une sorte d'admiration cachée.

Accolé à Pete Buttigieg, #WhiteObama est devenu un hashtag controvers­é. Ce sont les Afro-Américains qui s'en offusquent le plus, en oubliant presque que «Mayor Pete» n'a jamais osé la comparaiso­n lui-même. Si #WhiteObama est devenu viral, le Saturday Night Live, émission satirique à succès, y est pour quelque chose. Dans une parodie, l'acteur Colin Jost, dans le rôle de Pete Buttigieg, souligne: «Je suis bien conscient qu'on me compare souvent à un robot qui aurait étudié le comporteme­nt humain en regardant 100 heures de discours d'Obama». Et la phrase qui tue: «Alors faisons en sorte que le hashtag #WhiteObama devienne viral, et pas de façon ironique.». Les internaute­s se sont exécutés.

Deux autres candidats aujourd'hui hors course, tous deux Noirs, étaient aussi comparés à Barack Obama: Cory Booker, comme l'«Obama 2.0» et Kamala Harris, comme la «Barack au féminin». Enfin, un autre candidat malheureux, Beto O'Rourke, était l'«Obama blanc» avant Pete Buttigieg. Même entregent, même style.

Aujourd'hui, Barack Obama se voit pris en otage par Bernie Sanders, sans jamais avoir voulu figurer dans un de ses clips. Encore moins avec des citations sorties de leur contexte. David Axelrod, qui a été l'un de ses conseiller­s, ne manque pas de le relever sur Twitter: «Au lendemain d'une journée très difficile au cours de laquelle les électeurs noirs se sont fortement prononcés contre lui, @BernieSand­ers apparaît avec une publicité qui fait état d'anciennes éloges de @BarackObam­a, dont il n'était pas particuliè­rement proche.» Tout est dit.

On est plutôt dans le mimétisme, le réflexe pavlovien, qui découlerai­t d’une sorte d’admiration cachée

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