«Il n’y a pas de métier où c’est impossible»
Le cabinet de conseil et de recrutement Artemia est spécialisé dans les questions de genre. Il aide les entreprises à mettre en place une véritable politique de mixité pour gérer leurs ressources humaines. Cinq questions à Eglantine Jamet, sa codirectrice
Le temps partiel progresse légèrement chez les hommes, mais la perception de ce modèle reste très différente selon le genre. Oui, on constate que les femmes continuent à opter pour des taux de temps de travail plus réduits que les hommes. En résumé, Monsieur va travailler à 80-90% et Madame à 50 ou à 60%. Cela montre que ce sont encore les femmes qui assument majoritairement les tâches parentales et domestiques. La conséquence, c’est qu’on est dans un monde où avoir des enfants péjore la carrière professionnelle des femmes et pas celle des hommes. Comprendre qu’avoir un enfant crée une même responsabilité pour les deux parents est une des clés de l’égalité dans le monde du travail. Tant que ce ne sera pas le cas, les entreprises verront les femmes comme des citoyennes de seconde classe qui ne font pas passer leur carrière en premier.
Quel modèle privilégier? Ce qui est essentiel lors de l’arrivée d’un enfant, c’est de réfléchir à la question dans le couple et de réaménager ensemble ses temps de travail. C’est pour cela qu’il faudrait parler de parentalité, plutôt que de maternité ou de paternité. Et cela passe aussi par le fait d’encourager les jeunes femmes à ne pas s’autocensurer dans leurs choix d’études ou de carrière.
Certains secteurs, comme l’horlogerie ou le secteur bancaire, semblent afficher une plus grande frilosité envers le temps partiel, notamment chez les hommes... On remarque que, dans ces secteurs, certains hommes souhaiteraient baisser leur temps de travail, mais n’osent pas en parler, même entre eux. Souvent, les entreprises ont l’impression que certains de leurs postes ne peuvent pas être exercés à temps partiel. L’expérience montre qu’il n’y a pas de métier où ce n’est pas possible. Nous travaillons par exemple avec des entreprises de transports qui ont introduit la possibilité de travailler à temps partiel, y compris dans les métiers de terrain. Cela permet par ailleurs d’appliquer une vraie politique de mixité en attirant plus de femmes dans ces professions.
Le danger, c’est le «faux» temps partiel. Il faut bien redéfinir les cahiers des charges lors d’un passage à un temps partiel, afin d’éviter l’effet pervers qui consiste à payer à 80% quelqu’un qui fait en réalité toujours un 100%. Par ailleurs, lorsqu’une personne assumant des responsabilités d’encadrement réduit son taux de travail, on remarque que cela permet de développer les compétences de l’équipe.
Beaucoup d’entreprises souffrent de la guerre des talents. Exploitent-elles assez le temps partiel pour se profiler et se différencier? L’avenir passe de toute façon par des modes de travail plus agiles et collaboratifs, qui favorisent l’innovation et la performance collective. Les entreprises qui questionnent leur culture et leurs pratiques sont celles qui attireront les meilleurs talents, hommes comme femmes, car les jeunes générations ne sont plus dans un rapport sacrificiel au travail, mais sont en quête de sens et d’un meilleur équilibre de vie.
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