MONUMENT LITTÉRAIRE APRÈS RESTAURATION
Revu et augmenté, «Le Dossier M» est réparti en trois volumes de poche
◗ A l’automne 2017, un monument d’ego-fiction fait sensation. Sur plus de 800 pages, Grégoire Bouillier y enchaîne les motifs en une longue phrase, tel Coltrane, cité en exergue: «Je pars d’un point et je vais jusqu’au bout.» Point de départ: le suicide, à travers celui d’un peintre ami de Picasso, celui d’un mari trompé par l’auteur et celui, fictif, de Bouillier lui-même. Hanté par la culpabilité – «J’en ai pris pour dix ans» –, ce «dossier» à décharge est le fruit proliférant d’une libération. S’il est saturé de chagrin, l’ouvrage est surtout immensément drôle.
Le Dossier M a pour thème principal l’amour malheureux pour M, riche héritière, promise à un plus riche mariage. L’auteur s’y livre à une analyse très fine de sa propre folie, remontant jusqu’aux minuscules traumatismes d’enfance, exhumant le moindre détail, quitte à exaspérer le lecteur. Mais ce «dossier» vaut pour l’humour qui balaie l’irritation, par l’invention langagière, par la richesse du tableau d’époque – Bouillier est né en Algérie en 1960. Conversations de bar, scènes de supermarché, de rue; plongées hilarantes dans le milieu de l’art contemporain – Bouillier a vécu avec Sophie Calle, ici S.
Le lecteur, même réticent devant tant d’ego crucifié, est pris au piège, il en redemande. Un site internet lui permet de combler le manque. Un deuxième «dossier» suit quelques mois plus tard. Les Editions J’ai lu ont pris le pari de rééditer l’ensemble en six tomes, revus et augmentés par l’auteur. Les trois premiers sont disponibles, ils correspondent au Dossier M 1.