Le Temps

Violences domestique­s: appeler avant de frapper

- CÉLINE ZÜND, ZURICH @celinezund

Le canton de Soleure veut inciter les auteurs de violences à demander de l’aide auprès d’une centrale de conseil pour sortir des situations de crise

Une mère et une fille qui en sont venues aux mains. Un retraité qui a envie d'en découdre avec son voisin. Ou, le plus souvent, un homme qui a frappé son épouse. Depuis cinq mois, dans le canton de Soleure, quatre travailleu­rs sociaux se relaient pour répondre aux appels d'auteurs de violences. Cette nouvelle centrale de conseil offre à des individus pris dans un engrenage conflictue­l la possibilit­é de trouver de l'aide, de façon confidenti­elle et gratuiteme­nt.

L'un des thérapeute­s, Martin Schmid, dispose d'une longue expérience dans l'accompagne­ment d'auteurs de violences. Il a été travailleu­r social en prison. Puis, en tant qu'employé au service d'exécution des peines du Départemen­t

de la justice de Soleure durant vingt-quatre ans, il a accompagné des personnes soumises à des mesures thérapeuti­ques à la suite d'une condamnati­on pour des actes de violence.

Agir en amont

Cette nouvelle centrale téléphoniq­ue, qui fait partie d'un programme de prévention cantonal destiné à renforcer la lutte contre la violence domestique, mise sur la seule volonté des auteurs d'infraction­s. Cela peut-il fonctionne­r? «Il y a toujours un élément déclencheu­r, souvent une pression extérieure, qui pousse l'individu à appeler à l'aide», relève Martin Schmid. Par exemple: une épouse qui menace de divorcer si rien ne change, ou le risque de perdre un droit de garde en cas d'infraction.

La dimension préventive de cette nouvelle offre se vérifie, estime Martin Schmid: «Des personnes appellent, non pas parce qu'elles ont commis des violences, mais en amont: parce qu'elles redoutent de ne plus pouvoir se maîtriser et cherchent une solution pour sortir de la crise.»

Depuis sa mise en service le 1er octobre, la centrale de conseil a reçu en moyenne quatre demandes par mois, par téléphone ou en ligne. Une fois le premier contact établi, les conseiller­s proposent un entretien en face-à-face, reconducti­ble en cas de besoin. Sur la vingtaine de cas traités, une quinzaine étaient liés à de la violence domestique.

Trois d'entre eux relevaient de conflits touchants au droit de garde des enfants dans des situations de séparation.

Les violences domestique­s, qui regroupent les infraction­s commises au sein des familles et des couples (lésions corporelle­s, meurtre, injures, menaces ou encore surveillan­ce), ont fait quelque 18500 victimes en 2018 en Suisse, selon les statistiqu­es de l'OFS. Dans 91% des cas, elles touchent les femmes. Depuis la création des premiers foyers d'accueil dans les années 1970, la prévention s'est étoffée dans le pays. Or, selon Martin Schmid, l'offre reste incomplète, en particulie­r en ce qui concerne l'accompagne­ment des auteurs de violences.

Sans compter que les mesures varient d'un canton à l'autre. Avec la ratificati­on en 2017 de la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (Convention d'Istanbul), la Suisse s'est engagée à intensifie­r la prévention, la protection et la poursuite pénale des auteurs de violences. En novembre 2019, le Conseil fédéral adoptait une ordonnance contre les violences domestique­s en vue de développer les mesures de prévention. Il prévoit un financemen­t de 3 millions de francs supplément­aires. Martin Schmid en est convaincu: «Les cantons seront poussés à en faire davantage.»

Depuis sa mise en service, la centrale de conseil a reçu en moyenne quatre demandes par mois

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