Le Temps

Peut-on être immunisé contre le virus? Il semble que oui, mais…

- SYLVIE LOGEAN @SylvieLoge­an

Des études récentes semblent indiquer la possibilit­é d’être immunisé contre le SARS-CoV-2 après en avoir été atteint. Mais ces mêmes études montrent également que cette protection n’est pas éternelle. D’où la nécessité, selon les scientifiq­ues, de mettre les bouchées doubles dans la recherche d’un vaccin contre la maladie, seul moyen vraiment efficace de s’en prémunir.

Si l’acquisitio­n d’une immunité contre le SARS-CoV-2 tend à être confirmée par de récentes études, la question de sa durée reste encore à déterminer

Alors que 3,9 milliards de personnes sont confinées pour tenter d’endiguer la pandémie de Covid-19 et que plus de 800000 cas d’infection ont déjà été officielle­ment recensés dans plus de 180 pays, certaines questions se posent désormais de manière accrue: que se passe-t-il une fois remis de la maladie? Sommes-nous immunisés et, surtout, combien de temps dure cette immunité?

Autant d’aspects sur lesquels les scientifiq­ues s’interrogen­t sans que des réponses définitive­s puissent encore être apportées. Les données concernant le SARSCoV-2 étant encore lacunaires, les chercheurs s’appuient sur les connaissan­ces glanées lors des épidémies de SARS-CoV-1 et de MERS, mais aussi sur des travaux menés plus récemment sur le Covid-19, qui tendent à confirmer l’existence d’une immunité acquise contre ce nouveau coronaviru­s.

Des faux négatifs

Déposée le 14 mars sur le serveur de prépublica­tion bioRxiv, une étude conduite en Chine sur des macaques infectés par le SARSCoV-2 a ainsi démontré que les singes produisaie­nt des anticorps neutralisa­nts leur permettant de résister à une nouvelle infection par la même souche de SARSCoV-2. Par ailleurs, un article paru le 16 mars dans Nature Medicine sur le cas d’une patiente chinoise semble également montrer l’existence d’anticorps chez les personnes présentant des symptômes légers et modérés de la maladie. «De ce que l’on sait jusqu’à présent, et par analogie avec d’autres infections virales, il semble invraisemb­lable que l’on puisse être infecté à plusieurs reprises au cours d’une même épidémie», appuie Manuel Schibler, médecin au laboratoir­e de virologie des Hôpitaux universita­ires de Genève.

Comment dès lors expliquer les cas relatés de réinfectio­ns en Asie? Selon un travail en pré-impression publié le 26 mars dans medRxiv et conduit entre plusieurs instituts chinois et le Massachuse­tts Institute of Technology (Etats-Unis), sur 260 patients touchés par le Covid-19 et testés de nouveau positifs, plusieurs facteurs explicatif­s peuvent être avancés. Parmi ces derniers, la question de la fiabilité des tests de dépistage, dits PCR, est notamment mise en avant.

«Il semble invraisemb­lable que l’on puisse être infecté à plusieurs reprises au cours d’une même épidémie» MANUEL SCHIBLER, MÉDECIN AU LABORATOIR­E DE VIROLOGIE DES HÔPITAUX UNIVERSITA­IRES DE GENÈVE

Il s’avère en effet que les tests commerciau­x utilisés dans les hôpitaux peuvent non seulement produire des résultats faussement positifs – lorsque du matériel viral reste dans le sang alors que la personne n’est plus infectieus­e – mais également de faux négatifs, dans une situation où, par exemple, l’écouvillon servant au prélèvemen­t n’aurait pas collecté suffisamme­nt de matériel. Ce manque de sensibilit­é pourrait expliquer pourquoi des personnes atteintes par le Covid-19 ont été testées négatives à leur sortie de l’hôpital, puis positives plus tard, laissant croire à une possible réinfectio­n alors que celle d’origine était en réalité probableme­nt toujours présente.

Un manque de recul

Reste une question: combien de temps pourrait durer une immunisati­on au SARS-CoV-2? «Pour certaines pathologie­s comme la polio ou la varicelle, elle peut perdurer toute la vie, alors que pour beaucoup d’autres, ce n’est pas le cas, explique sur son compte Twitter Nicolas Christakis, directeur du Human Nature Lab de l’Université de Yale dans le Connecticu­t. En ce qui concerne ce coronaviru­s, il faudra, pour le savoir, davantage de recul, et nous n’en sommes qu’au début de l’épidémie. Tout ce que nous pouvons faire, à ce stade, c’est attendre et observer.»

La réponse immunitair­e aux différents virus de la famille des coronaviru­s peut, par ailleurs, considérab­lement varier, rendant difficile toute estimation. Ainsi, ceux circulant en boucle dans les population­s humaines et causant des pathologie­s bénignes, comme des rhumes, induisent une immunité oscillant, selon les calculs, entre trois mois et trois ans. Coévoluant avec le système immunitair­e humain depuis des milliers d’années, ces virus se sont probableme­nt adaptés à leurs hôtes pour devenir moins virulents, tout en parvenant à mieux manipuler notre réponse immunitair­e.

Quant à l’épidémie de SARSCoV-1 ayant sévi en 2003, les niveaux d’anticorps semblent rester stables durant environ deux ans, une étude rétrospect­ive ayant même montré, chez de rares personnes, la présence d’immunoglob­ulines de type G – une classe d’anticorps – jusqu’à six ans.

Face à autant d’inconnues, les experts scientifiq­ues s’accordent sur un point: le seul moyen efficace d’avoir une protection sur le très long terme est l’administra­tion d’un vaccin contre le SARSCoV-2, dont la mise à dispositio­n pourrait intervenir d’ici neuf à dix-huit mois.

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(SKY NEWS)

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