Le Temps

Aux Pays-Bas, une vie presque ordinaire

Comme les Suédois, les Néerlandai­s ont misé sur une stratégie de non-confinemen­t. Ils ont confiance en leur autodiscip­line pour éviter une explosion incontrôlé­e des cas

- MARGAUX SOLINAS, AMSTERDAM

Alors que de nombreux pays comme la France et la Belgique sont confinés, les Pays-Bas voisins ont adopté une approche différente face à la pandémie: une liberté dans les rues pour une immunité collective contre le coronaviru­s. Le nombre de morts du Covid-19 s’y élevait à 1339 jeudi, d’après l’Institut national néerlandai­s de la santé publique et de l’environnem­ent (RIVM). Un chiffre qui paraît inquiétant pour une population d’environ 17 millions et quelque 1150 places en soins intensifs (en temps normal). Pourtant, mardi 31 mars, le premier ministre, Mark Rutte, a annoncé lors d’une conférence de presse qu’il n’y aurait pas de changement de politique dans le pays. «L’immunité collective» reste la stratégie du gouverneme­nt.

Les Néerlandai­s continuent ainsi à vivre quasiment comme ils le feraient d’ordinaire. Même si les restaurant­s, bars, coffee-shops et écoles sont fermés, et ce, jusqu’à fin avril, la population est invitée – et non contrainte – à rester chez elle le plus possible.

Les règles restent floues. Les habitants des Pays-Bas ont le droit de se réunir à trois au maximum, que ce soit chez eux ou dehors, en respectant une distance de sécurité de 1,50 mètre. Les restaurant­s ont également la possibilit­é de rester ouverts s’ils pratiquent la vente à emporter. Les magasins ne sont pas davantage contraints de fermer s’ils respectent les distances de sécurité et ne tolèrent pas plus de deux personnes à l’intérieur.

Une réponse positive

«Je pense que la décision du gouverneme­nt a du sens, affirme Milo Koning, étudiant en dernière année de médecine, réquisitio­nné pour soigner les patients atteints de coronaviru­s à Amsterdam. Il a évalué la perte économique d’un confinemen­t total et ce n’est pas viable. La mort n’est pas l’unique chose qui fait souffrir les gens.»

Pour que «l’immunité collective» fonctionne, il faudrait que 50 à 60% de la population soit atteinte du coronaviru­s, selon Jaap Van Dissel, directeur du centre de contrôle des maladies infectieus­es du RIVM. La décision de Mark Rutte a été approuvée par une majorité de députés au parlement. Et les médecins et spécialist­es sont également en accord avec le gouverneme­nt. «L’immunité a toujours fonctionné face à des virus, nous en avons des preuves comme avec le Zika», affirme le docteur Kees Brinkman, immunologu­e et spécialist­e des maladies infectieus­es. «Avec un confinemen­t, le virus reviendra lorsque les gens auront le droit de ressortir. Pour l’instant, la situation est contrôlée et les Néerlandai­s respectent les consignes du gouverneme­nt. Par exemple, les urgences de l’hôpital d’Amsterdam OLVG ne sont pas surchargée­s, donc c’est positif», confirme Kaz Van Schilt, médecin aux urgences de l’OLVG.

Jaap Van Dissel a annoncé au parlement néerlandai­s mercredi qu’«un patient malade ne transmet le virus qu’à 0,3 personne actuelleme­nt contre près de 3 fin février», ce qui représente­rait une réponse positive à la tactique du gouverneme­nt et au respect des consignes de la part des Néerlandai­s. Avant de préciser: «Cela ne veut pas dire que les mesures peuvent commencer à s’adoucir, car le virus continue de se propager.» C’est d’ailleurs la crainte de certains, car le pic de contaminat­ion est attendu en mai, d’après l’associatio­n néerlandai­se des soins intensifs. Le docteur Kees Brinkman veut rester cependant optimiste: «Depuis deux jours, 30 patients ont été enregistré­s en soins intensifs, à savoir deux fois moins que les jours précédents. L’occupation de nos lits est en baisse. Je ne peux pas prédire l’avenir, mais c’est positif.»

Les Pays-Bas n’ont pas eu pour l’instant à refuser de patients en soins intensifs contrairem­ent à l’Italie ou à la France. «Nous pouvons augmenter notre capacité de lits à 2400, indique l’immunologu­e. Au-delà, nous n’aurons plus assez de personnel. Nous espérons éviter le confinemen­t mais ces prochaines semaines, pour nos hôpitaux, seront décisives.»

«Avec un confinemen­t, le virus reviendra lorsque les gens auront le droit de ressortir»

KAZ VAN SCHILT, MÉDECIN AUX URGENCES À AMSTERDAM

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