Le Temps

L’«helicopter money» arrivera en retard

- SÉBASTIEN RUCHE @sebruche

En ces temps de crise, les autorités veulent montrer qu’elles frappent fort pour lutter contre le virus et soutenir l’économie. Cela passe par des actions spectacula­ires et des appellatio­ns coups-de-poing. Comme l’helicopter­money décidé par l’administra­tion américaine, ou le maladroite­ment nommé programme SURE de la Commission européenne.

Un hélicoptèr­e qui largue des billets à la population, l’image marque instantané­ment les esprits. Les destinatai­res reçoivent immédiatem­ent de l’argent et le pilote apparaît comme un tout-puissant deus ex machina. On est moyennemen­t surpris que Donald Trump ait choisi ce moyen de distribuer des dollars à quelque 145 millions d’Américains, dans le cadre d’un programme de soutien de 2000 milliards voté à la fin de mars. Sauf que certains ménages ne recevront rien avant septembre, selon un mémo interne du fisc américain – l’IRS, qui doit envoyer cet argent – que le Washington Post a pu consulter.

La difficulté de donner de l’argent

Parce qu’il y a l’image de l’hélicoptèr­e et il y a la réalité. Transférer de l’argent à un individu se révèle facile lorsqu’on possède ses coordonnée­s bancaires. Les Américains qui ont donné leur IBAN à l’IRS (par exemple pour recevoir d’éventuels remboursem­ents d’impôt) recevront leurs fonds dans les deux semaines, a assuré jeudi le secrétaire d’Etat au Trésor, Steven Mnuchin.

Sans IBAN, le fisc doit identifier les contribuab­les par leur numéro de sécurité sociale, ce qui retarde un peu le transfert. A défaut, les Américains seront invités à fournir leurs coordonnée­s sur un site web de l’administra­tion. Le retard sera un peu plus marqué, mais moins que lorsque l’administra­tion n’a aucune informatio­n et doit envoyer des chèques.

Dans ce cas, l’IRS doit faire imprimer des chèques et les envoyer un à un par la poste. Ce qui repoussera­it probableme­nt à septembre la réception des fonds. Sans compter les erreurs d’adresse et la disparitio­n – parfois définitive, à cause du coronaviru­s – des individus concernés.

SUREment insuffisan­t

Un autre moyen de frapper les esprits consiste à choisir soigneusem­ent le nom des lois. En 2010, les Etats-Unis avaient accepté une loi permettant d’obtenir des informatio­ns sur les comptes bancaires que les contribuab­les américains détenaient à l’étranger. Cette loi Fatca faisait partie d’un package dénommé HIRE – qui signifie «embaucher», histoire de faire le lien entre la lutte contre la fraude fiscale et le bien-être général.

Jeudi 2 avril, la Commission européenne a dévoilé son programme SURE – pour Support to mitigate Unemployme­nt Risks in an Emergency – qui signifie «certain» en anglais. Il s’agit d’une enveloppe de 100 milliards d’euros destinée à aider les plans de soutien à l’emploi dans les pays membres. Mais, tout comme les lignes de crédit spécifique­s à certains pays, le projet SURE de Bruxelles laisse finalement à chaque pays le soin de se débattre avec ses propres problèmes. Les pays moins solides seront donc davantage affectés, alors qu’une réponse commune, au niveau de l’Union européenne, serait certaineme­nt plus puissante. Bref, comme pour l’helicopter money, l’efficacité du programme SURE n’en a que le nom.

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