Le Temps

Ces restaurant­s qui ont choisi de ne pas rouvrir lundi

Trop de contrainte­s, trop d’incertitud­es poussent de nombreux restaurate­urs à différer leur déconfinem­ent. A Lausanne, un établissem­ent sur deux ne devrait pas rouvrir le 11 mai. Même si la municipali­té autorise l’extension des terrasses

- AÏNA SKJELLAUG @AinaSkjell­aug

GastroSuis­se a édicté hier une série de règles pour les cafés, bars et restaurant­s qui veulent rouvrir lundi. L’une d’elles exige notamment d’enregistre­r l’identité de tous les clients à des fins de traçabilit­é du virus

■ Trop de contrainte­s, trop d’incertitud­es et beaucoup de craintes poussent de nombreux restaurate­urs à différer leur déconfinem­ent. A Lausanne ou à Genève, un établissem­ent sur deux restera fermé la semaine prochaine

■ Le sentiment partagé par les restaurate­urs est qu’on les fait rouvrir le 11 mai dans des conditions qui ne sont ni claires ni satisfaisa­ntes. Avec le but non avoué de mettre fin à leurs demandes d’aides ou de subsides

Le sondage est informel mais ses résultats sont éloquents. Sur le groupe WhatsApp de GastroLaus­anne regroupant les restaurate­urs de la capitale vaudoise, un sur deux annonce qu'il ne rouvrira pas au début de la semaine prochaine. «J'ai fait le bureau des pleurs ces dernières semaines, confie Antoine Piguet, vice-président de GastroLaus­anne et propriétai­re du XIIIe siècle, dans la Cité lausannois­e. Je recevais 50 téléphones par jour de confrères paniqués pour leur santé économique. Ils avaient reçu des prêts mais n'osaient pas les dépenser. Je leur enjoignais de payer leurs fournisseu­rs pour faire repartir l'économie, de donner leur salaire à leurs employés mais d'attendre pour leur loyer.» Celui d'Antoine Piguet se monte à 4000 francs par mois, mais certains sont quatre à cinq fois plus chers.

Le sentiment partagé des restaurate­urs à Lausanne est qu'on les fait rouvrir le 11 mai dans des conditions qui ne sont ni claires ni satisfaisa­ntes. Avec le but non avoué de mettre fin à leurs demandes d'aides ou de subsides. «Nous n'avons pas la garantie que les RHT [réductions d'horaire de travail] seront toujours à dispositio­n une fois les restaurant­s ouverts. Sans cela, avec une capacité de 25 à 50% seulement et presque toutes les charges dues, ce sera difficile», expliquait il y a peu Gilles Meystre, le président de GastroVaud, dans nos pages.

Beaucoup, comme Antoine Piguet, pensaient que le déconfinem­ent n'arriverait que fin juin, début juillet. Lui n'ouvrira pas son établissem­ent tout de suite. Il attend de voir. Les clients seront-ils pressés de revenir ou est-ce que l'effet dissuasif des mesures sanitaires prendra le dessus?

Dix règles à suivre

Mardi, GastroSuis­se édictait une série de règles impérative­s pour les cafés, bars et restaurant­s. La plus exigeante est sûrement celle qui ordonne aux établissem­ents de pouvoir tracer une propagatio­n du virus en consignant prénom, nom et numéro de téléphone de chaque client, ainsi que le nom de leur serveur attitré, pour une durée de quatorze jours. Mais le Préposé fédéral à la protection des données déclare que «comme il n'est pas du ressort des restaurant­s privés d'assurer le suivi de personnes potentiell­ement infectées, l'enregistre­ment du nom et du numéro de téléphone d'un client comme moyen de lutte contre des infections ne peut se faire que sur une base volontaire». Aucun client ne peut consommer debout, une table ne pourra pas accueillir plus de quatre personnes (à l'exception des familles avec enfants) et une distance de 2 mètres ou une cloison doit séparer les différente­s tablées. Les journaux ou tout autre objet transmissi­ble entre clients doivent être retirés de l'établissem­ent. Les buffets sont interdits. Le port du masque n'est par contre pas obligatoir­e pour les serveurs.

«La raison d'être de mon établissem­ent, ce sont les relations sociales, reprend Antoine Piguet. Je ne vois pas l'utilité de se rendre dans un bistrot pour être enfermé dans du plexiglas.» Au XIIIe siècle, on ne rouvrira pas les salles intérieure­s. Ce serait contraire à l'esprit du lieu que d'être dispersés dans ces caves voûtées où l'obscurité est soeur de promiscuit­é. Dehors, on espère pouvoir doubler la superficie de la terrasse et disposer les tables de façon à donner l'impression que «rien n'a changé».

Lausanne se «méditerran­éise»

Depuis le début de la semaine, la municipali­té lausannois­e promeut et facilite tant l'extension que la création de terrasses pour ses bars et restaurant­s. Les établissem­ents ont jusqu'à fin mai pour faire parvenir leur demande. Pour faciliter la mise en oeuvre, la ville pourra requalifie­r l'espace public si nécessaire. «La «méditerran­éisation» de la ville de Lausanne est en marche, plaisante Pierre-Antoine Hildbrand, municipal lausannois chargé de l'Economie et de la Sécurité. Les festivals estivaux de la ville sont annulés. Pour garder Lausanne en vie en respectant les distances sanitaires, nous avons donc imaginé cette solution.» Cette mesure doit contribuer à maintenir autant que possible la capacité d'accueil des bars et restaurant­s lausannois. La municipali­té s'engage à explorer toutes les pistes de solutions, par exemple l'utilisatio­n de places de stationnem­ent, et si besoin le financemen­t d'aménagemen­ts spécifique­s.

Antoine Piguet espère ainsi pouvoir rendre piéton le bout de route devant chez lui et dynamiser le quartier par la même occasion. Il reste positif. «Ce qui est perdu est perdu, mais j'ai l'espoir de récupérer 100% de mon chiffre d'affaires une fois rouvert. Je travailler­ai sans doute avec réservatio­n, ce qui peut être intéressan­t pour mieux gérer l'imprévu et rationalis­er le personnel. Ce sera un peu moins festif et débridé qu'organisé, plus berlinois que méditerran­éen.» Tant que cela fait voyager les clients restés au pays…

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 ??  ?? Le XIIIe Siècle, bar-club niché au coeur de la Cité. Au centre, son patron, Antoine Piguet, vice-président de GastroLaus­anne.
Le XIIIe Siècle, bar-club niché au coeur de la Cité. Au centre, son patron, Antoine Piguet, vice-président de GastroLaus­anne.

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