App suisse de traçage: une base légale exigée
Le Conseil national et le Conseil des Etats veulent qu’une loi spécifique soit conçue, ce qu’a jusqu’à présent refusé le Conseil fédéral
L’application de traçage des personnes infectées par le coronavirus sera-t-elle lancée mi-mai? En phase de test, mais pas pour tout le mond. Le Conseil des Etats exigeait lundi soir une base légale et le Conseil national l’a imité mardi dans la soirée. En face, le Conseil fédéral insistait: il faut faire vite et une nouvelle loi ne serait pas nécessaire.
Une phase de test débutera mi-mai et devrait durer plusieurs semaines
Cette application pour smartphone se heurte ainsi à des écueils sur le terrain politique, alors que tous les obstacles sur le plan technique ne sont pas non plus écartés. A Berne, le gouvernement veut agir rapidement: le Conseil fédéral assure que toutes les réserves émises par les sénateurs ont déjà été prises en compte et que l’application sera sûre. «Il est urgent et important que l’application soit disponible le plus rapidement possible afin de soutenir l’assouplissement progressif du confinement», avait écrit le gouvernement en réponse à une demande de la Commission des institutions politiques du Conseil des Etats.
«Une période courte»
Ce sentiment d’urgence ne doit pas empêcher le parlement de légiférer, ont rétorqué les sénateurs. Le Conseil des Etats l’a exigé par 32 voix contre 10 dans une motion, imité par le National (127 voix contre 55). Une loi doit permettre de clarifier l’impact d’une telle application sur la vie privée des utilisateurs. Il faudra aussi écrire dans une loi que son utilisation se fera sur une base totalement volontaire. Enfin, les données personnelles ne devront pas être stockées de manière centralisée, ont demandé les sénateurs.
Ces trois points ont déjà été abordés et il n’y a aucune ambiguïté à ce sujet, affirme le Conseil fédéral. Le fait que l’application est en grande partie développée et testée par l’EPFL et l’EPFZ est aussi une garantie du sérieux du projet. Dans sa réponse à la commission, le Conseil fédéral précisait qu’il pouvait «agir dans le cadre de ses compétences en matière de droit sur les épidémies», ajoutant qu’il «entend limiter son ordonnance à une période relativement courte».
Quelle sera la suite? Le Conseil fédéral doit discuter de cette application de traçage vendredi et sans doute communiquer sa position le même jour. Comme le gouvernement espère un taux d’acceptation de la population le plus haut possible – ce qui ne pourra se faire sans doute qu’en fournissant le maximum de garanties –, il va créer les bases légales pour ce faire. Mais pour ne pas retarder une phase de test qui pourrait commencer la semaine prochaine, il s’appuyera d’abord sur la loi actuelle. Le parlement devrait valider une loi ad hoc en juin.
Un lancement pour tous de l’application en Suisse la semaine prochaine n’aura pas lieu. D’autant plus que, sur le plan technique, elle n’est pas terminée. Testée notamment par les spécialistes de l’EPFL, elle pourrait être prête la semaine prochaine dans le cadre d’une première version test. Une version définitive ne serait prête que quelques jours plus tard.
Ajoutons que, toujours sur le plan technique, les développeurs de l’application doivent encore travailler avec Google et Apple. Les deux géants américains, qui doivent faciliter la création et l’utilisation d’applications de traçage, ont déjà rendu publique une partie des API (interfaces de programmation d’application) pour ces programmes. Des captures d’écran d’applications qui pourraient ainsi être créées ont aussi été montrées par Apple et Google. Mais une discussion entre ces deux sociétés et les développeurs – dont l’EPFL et l’EPFZ – doit encore avoir lieu ces prochains jours.
En France le 2 juin
De son côté, en France, l’application StopCovid sera prête le 2 juin pour accompagner le déconfinement, sans avoir recours aux plateformes d’Apple et de Google, a annoncé mardi le secrétaire d’Etat chargé du Numérique, Cedric O. Le premier ministre, Edouard Philippe, a réaffirmé mardi vouloir soumettre ce projet à un débat suivi d’un vote à l’Assemblée nationale «lorsque l’application en cours de développement fonctionnera et avant sa mise en oeuvre».
«Nous avons refusé» les solutions d’Apple et de Google «qui posent selon nous un certain nombre de problèmes en termes de protection de la vie privée», a expliqué Cédric O.
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