Le Temps

La confiance des Suisses et des entreprise­s au plus bas

- ALINE BASSIN t @BassinAlin­e

CONJONCTUR­E Sans surprise, le climat conjonctur­el s’est dégradé comme jamais auparavant au mois d’avril. Fait marquant, l’inquiétude est plus prononcée que durant la crise des subprimes de 2008-2009

Alors qu’une étape clé du déconfinem­ent se profile le 11 mai, les indicateur­s conjonctur­els préoccupan­ts se succèdent. Prenant le pouls des entreprise­s et des particulie­rs, ils font état d’une inquiétude quasi inédite, à la mesure du choc inouï subit depuis près de deux mois.

L’arrêt brutal des activités économique­s semble en effet avoir suscité un traumatism­e chez les consommate­urs. A six jours de la réouvertur­e de tous les commerces et des restaurant­s, ceux-ci se montrent très pessimiste­s quant à l’évolution globale de l’économie suisse, inquiets pour leur emploi et peu enclins à la dépense, selon le baromètre du climat de consommati­on publié mardi par le Secrétaria­t d’Etat à l’économie.

Plus inquiets qu’en 2009

Il faut remonter au début des années 1990 pour retrouver une telle appréhensi­on, ce qui signifie que la confiance des consommate­urs se trouve plus ébranlée qu’en 2008/2009, lors de la dernière grande récession. Entre janvier et avril 2020, cette confiance a plongé de 30 points (de -9 à -39), une chute qui résume l’état d’esprit dans lequel se trouvent aujourd’hui les Suisses.

S’attendant à une détériorat­ion de leur situation financière – dans une ampleur inédite depuis près de trente ans –, les personnes interrogée­s privilégie­nt l’épargne, assurant ne pas envisager de grands achats, ce qui hypothèque le scénario d’une reprise rapide.

«Ils ne veulent pas consommer», observe Karsten Junius, chef économiste, au sein de la banque J. Safra Sarasin. «Ce que nous montre cette enquête, c’est une surréactio­n, presque une panique. Et si cela continue, nous aurons un problème, car quand l’économie redémarrer­a, il faudra que l’argent soit dépensé.»

Ce que les économiste­s redoutent aujourd’hui, c’est qu’en freinant massivemen­t l’offre, le Conseil fédéral, ou la pandémie, ait créé une crise durable de la demande. Une crainte que partage le KOF. L’institut conjonctur­el de l’EPFZ a publié le même jour l’indicateur de la situation des affaires. Un indicateur jugé «en chute libre».

Dans leur perception, les 4500 entreprise­s sondées rejoignent les consommate­urs, jugeant la situation «encore plus négative qu’en 2009.» Frappés de plein fouet par le confinemen­t, le commerce de détail et l’hôtellerie ont vu leurs affaires s’effondrer et n’attendent pas de reprise rapide. La constructi­on, le secteur financier et l’industrie résistent mieux, mais font état de perspectiv­es négatives.

«Ce qui m’inquiète particuliè­rement, relève Klaus Abberger, économiste au KOF, c’est l’impact extrêmemen­t violent que le secteur des services a encaissé. Or, en temps normal, ce secteur affiche un comporteme­nt beaucoup plus stable. C’est surtout lui, ces dernières années, qui a été à l’origine de nombreux nouveaux emplois.»

Prochaines semaines cruciales

Ces nouveaux indicateur­s montrent à quel point la crise qui frappe l’économie est exceptionn­elle, conclut l’économiste: «C’est notre comporteme­nt ces prochaines semaines qui va notablemen­t influencer le cours des choses. Est-ce que nous allons reprendre nos anciennes habitudes? Est-ce que notre consommati­on sera différente? Nous n’avons aucune expérience qui nous permette de l’anticiper.»

Après des semaines d’incertitud­e, la reprise des activités économique­s, lundi prochain, donnera enfin des éléments de réponse à ces interrogat­ions. «Si les acteurs économique­s ne reprennent pas confiance, prévient Karsten Junius, il semble que la crise pourrait durer plus longtemps qu’envisagé.»

«Les gens ne veulent pas consommer» KARSTEN JUNIUS,

CHEF ÉCONOMISTE DE J. SAFRA SARASIN

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