Le Temps

«La hausse de la mortalité est modeste»

Philippe Doffey, directeur général de Retraites Populaires, indique une hausse de 5% des décès chez ses assurés par rapport à une période comparable. L’impact de la crise ne se fera pas au détriment des investisse­ments durables, ajoute-t-il

- PROPOS RECUEILLIS PAR EMMANUEL GARESSUS, ZURICH @garessus

Le recours au télétravai­l sortira renforcé de la crise du coronaviru­s. Les 95% des 352 collaborat­eurs de Retraites Populaires (RP), l’un des plus grands spécialist­es de la prévoyance en Suisse romande, avec 200000 assurés et 2,1 milliards de francs de primes (RP et mandants), sont en télétravai­l depuis le 16 mars. Dès lundi prochain, ils seront de retour au bureau deux jours par semaine et trois à la maison.

Le retour à la normale est attendu en juin. Mais «la société ajustera son organisati­on et renforcera le télétravai­l», déclare Philippe Doffey, directeur général de ce leader de la prévoyance, dans une interview au Temps, à l’occasion de la publicatio­n mardi du rapport annuel. La société présente un bénéfice de 455 millions de francs en 2019, lequel a été attribué aux réserves, après une performanc­e de 11,3% sur les placements.

Est-ce que les réserves créées en 2019 se sont déjà envolées? Au cours du premier trimestre, à aucun moment les réserves n’ont été entièremen­t utilisées, malgré des marchés chahutés. A fin avril, après la reprise boursière, les réserves étaient suffisante­s. La situation de la société est saine.

Quelles leçons tirez-vous de la crise du coronaviru­s? La crise nous a permis de faire une avancée incroyable dans l’organisati­on du travail. Nous sommes convaincus que le télétravai­l sera renforcé. Il convient parfaiteme­nt bien pour le traitement des dossiers courants, mais la présence physique est plus favorable pour les tâches comprenant des interactio­ns avec les collaborat­eurs et les clients.

Le défi sera de trouver la bonne combinaiso­n.

Avez-vous profité de la baisse des bourses pour acheter des actions? Nous avons maintenu notre diversific­ation et n’avons pas repris du risque. Nous nous sommes laissés porter par l’évolution des marchés, mais nous n’avons pas racheté d’actions pendant la baisse des cours. Nous avons investi une partie des fonds dans l’immobilier indirect et diminué progressiv­ement les investisse­ments dans les matières premières, notamment dans les énergies fossiles en raison des aspects de durabilité et de préservati­on du capital. Il est vrai que nous n’avons que 2% des avoirs dans les matières premières. A moyen et long terme, nous renforcero­ns les investisse­ments dans les infrastruc­tures locales. Nous sommes persuadés que l’épargne collectée localement doit être réinvestie, tant que faire se peut, dans la même région. L’an dernier, à Epalinges, nous avons par exemple transformé l’Hôtel de l’Union qui a été acquis et transformé pour offrir des logements temporaire­s d’urgence (41 chambres) ainsi qu’un restaurant ouvert au public. Cela renforce la diversific­ation du portefeuil­le et stabilise les revenus à long terme.

En janvier, vous aviez craint le scénario de japonisati­on de l’économie et des taux longtemps très bas. Est-il devenu le plus probable? Personne n’avait prévu la crise du coronaviru­s. Aujourd’hui, les réformes de la prévoyance restent indispensa­bles, mais elles seront encore plus difficiles à réaliser. Trois pistes sont possibles: l’augmentati­on de la durée du travail, la diminution des rentes et la hausse des cotisation­s. Dans une récession, un relèvement des cotisation­s est très difficile. De même l’idée de rente-pont est remise en question. Le coût d’une préretrait­e est en effet plus élevé. Le scénario de japonisati­on à travers des taux d’intérêt très bas pourrait être remis en question par les injections massives de liquidités. Si l’inflation devait émerger, les retraités en seraient les premières victimes. A court terme, les taux devraient rester bas.

Avez-vous enregistré de nombreux décès dus au Covid-19? A période identique, l’augmentati­on des décès auprès de Retraites Populaires atteint 5%, soit 20 personnes supplément­aires. L’impact sera faible en termes de résultat technique. Nous souffrons davantage des marchés financiers que de la hausse assez modeste de la mortalité. A fin avril, notre performanc­e s’élève à -3,6%. Nous avons fait plus de la moitié du chemin perdu grâce aux placements immobilier­s et aux prêts hypothécai­res puisque ces deux catégories représente­nt un bon tiers du bilan.

Votre stratégie en faveur de l’investisse­ment durable sera-t-elle ajournée à cause de la crise? Non. L’impact de la crise sur l’économie ne se fera pas au détriment de notre stratégie environnem­entale, sociale et de gouvernanc­e (ESG). Cette stratégie nous permet de mettre en oeuvre nos principes de durabilité ainsi que de préserver la valeur des placements.

DIRECTEUR GÉNÉRAL DE RETRAITES POPULAIRES

«L’idée de rentepont est remise en question»

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PHILIPPE DOFFEY

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