Coronavirus et travail: l’opportunité de changer
Le monde du travail n’avait jamais été si rapidement bouleversé. Depuis la mi-mars, nous avons expérimenté, contraints, des pratiques professionnelles inédites pour beaucoup, à commencer par le télétravail. Pour nombre d’entre nous, cela a été l’occasion de réaliser que, oui, il est possible d’exercer son métier depuis son domicile, et qu’éviter les trajets ou passer plus de temps en famille a des effets positifs sur la qualité de vie.
Mais cette expérience a aussi permis de se rendre compte que nos collègues nous manquaient, que les séances en ligne ne vaudraient jamais les réunions en présentiel ou que l’absence de limite entre vie privée et vie professionnelle rendait notre quotidien plus épuisant encore.
Quelles leçons tirer, donc, de cette expérience à grande échelle du télétravail? La première: de ne pas revenir en arrière. Cela ne signifie pas poursuivre le télétravail à 100%, privilégier les réunions virtuelles ou conserver automatiquement les nouveaux procédés mis en place pendant cette période. Cela signifie repenser le bien-fondé des règles et habitudes qui faisaient nos organisations et nos entreprises avant la crise. Cela signifie ne plus refuser le travail à domicile par principe, comme le faisaient nombre de dirigeants. Mais aussi envisager le coworking pour des employés qui souhaiteraient travailler plus près de chez eux. Renoncer à faire un aller-retour à Londres dans la journée pour une réunion d’une heure qui pourrait se faire en ligne. Introduire durablement des outils et pratiques numériques. Se soucier davantage de ce que vivent ses collègues. Revaloriser des professions souvent dépréciées dont on a réalisé l’importance pour le bon fonctionnement de notre société.
Même si cette crise est tragique, elle se présente comme une expérimentation unique, et comme l’occasion ou jamais de mettre fin à des pratiques qui ne correspondent plus à notre société. Et d’en entamer de nouvelles. Car ces nouveaux modes de travail, plus flexibles, s’avèrent meilleurs à la fois pour la planète et pour notre équilibre personnel. Et donc meilleurs aussi pour les entreprises, qui ont tout à gagner à suivre cette direction.
Il ne s’agit pas de tout transformer, mais simplement de ne pas revenir au bureau comme si rien ne s’était passé. D’autant que le déconfinement va être progressif, impliquer une distanciation sociale et qu’un retour en arrière ne peut pas être exclu.
Le monde du travail n’avait jamais été si rapidement bouleversé. A nous, maintenant, de savoir en tirer parti.
Il ne s’agit pas de tout transformer
La pandémie suscite de nombreuses questions sur le droit aux vacances. Remontons aux principes.
Selon l’article 329c al. 2 CO, l’employeur fixe la date des vacances en tenant compte des désirs du travailleur dans la mesure compatible avec les intérêts de l’entreprise. Il en découle deux principes: d’une part, la date des vacances ne dépend pas d’un accord entre l’employeur et le salarié, mais d’une décision de l’employeur; d’autre part, l’employeur doit tenir compte des désirs du travailleur, mais les intérêts de l’entreprise sont déterminants.
Le premier but des vacances est le repos. Selon la jurisprudence, une incapacité médicale compromet en principe le but des vacances, qui doivent alors être reportées. Le parallèle entre une incapacité médicale et les restrictions résultant de la crise n’est nullement automatique. Certes, il est souhaitable que les vacances soient pleinement épanouissantes. Cependant, aussi longtemps que le repos est effectif, le salarié, en période de crise, doit admettre une limitation du choix de ses activités.
En traitant ci-dessous quelques questions, rappelons-nous que sont seules déterminantes les circonstances de chaque cas particulier.
Le confinement est-il, en soi, incompatible avec la prise de vacances déjà fixées? Non, a priori. En effet, des difficultés affectant l’accès à des destinations touristiques ne sont pas assimilables à une incapacité médicale interdisant un repos effectif. De plus, même s’il constitue un inconvénient important, le fait de rester chez soi (tout en conservant la possibilité de sortir, plus large qu’en France) n’empêche pas le repos et la récupération. On en jugera autrement, par exemple, lorsque les conditions de logement sont difficiles ou que le travailleur est tenu de participer à l’apprentissage scolaire d’enfants mineurs.
L’employeur peut-il imposer des vacances cet été, pendant une période creuse, en attendant une reprise? A priori, oui. Doit-il fixer ces vacances trois mois à l’avance? C’est la règle retenue par le Conseil fédéral dans le domaine des transports publics. Toutefois, cette ordonnance du Conseil fédéral, relative à une loi spéciale, ne l’emporte nullement sur la loi générale – le Code des obligations – dont on a vu qu’elle est plus souple. En s’abstenant de fixer un délai, le législateur savait ce qu’il faisait. La règle des trois mois n’a donc rien d’impératif dans le secteur privé, même si elle est recommandable en temps normal. Un délai plus court (un ou deux mois) se justifiera, selon les cas, dans la situation extraordinaire que nous connaissons.
L’employeur peut-il refuser la prise de vacances cet été? A priori, oui. Pendant une crise comme celle que nous vivons, l’entreprise sera amenée à réduire les pertes, selon les circonstances, en facilitant la reprise ou en rattrapant le travail en retard. Pour que l’intérêt de l’entreprise l’emporte, il n’est pas nécessaire que celle-ci se trouve au bord de l’insolvabilité. Il suffit que le travail soit nécessaire au retour à une situation normale. Dans des cas graves, l’employeur sera aussi fondé à reporter des vacances déjà fixées.
L’employeur peut-il repousser à l’automne prochain ou à l’hiver les vacances non encore fixées? Encore oui. Le délai de trois mois serait largement respecté. Les besoins de l’entreprise, lorsque son chiffre d’affaires a notablement baissé, peuvent justifier la recherche d’un plein rendement jusqu’en hiver.
La loi n’est pas rigide. Elle favorise les solutions équitables, qui supposent parfois le partage des inconvénients.
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