Le Temps

«L’image suisse sort renforcée de la crise»

- PROPOS RECUEILLIS PAR BORIS BUSSLINGER @BorisBussl­inger

Le coronaviru­s a touché l’ensemble du globe, mais tout le monde ne s’en est pas sorti de la même manière. Selon Nicolas Bideau, qui dirige l’organe de promotion du pays à l’étranger, la Suisse tient le haut du pavé

Le coronaviru­s a fermé les aéroports, cloué au sol les avions, rétabli des frontières disparues, condamné bars et restaurant­s – ou du moins l’idée conviviale que nous en avions jusque-là – et mis le tourisme à genoux. Les guides à parapluie tendu vers le ciel suivis de plaisancie­rs réjouis à larges casquettes ne sont – momentaném­ent – plus qu’un souvenir. Toutefois, la Suisse a continué de faire parler d’elle dans le monde et, bientôt, le phénix touristiqu­e devrait renaître de ses cendres. Sur quelles bases? Alors que le confinemen­t fait place au déconfinem­ent, Nicolas Bideau, directeur de Présence Suisse, l’organe de promotion du pays dans le monde, tire un premier bilan.

Comment la Suisse a-t-elle été perçue à l’internatio­nal ces derniers mois? Le coronaviru­s a agi de manière plus ou moins positive sur la réputation des nations. Lorsqu’on analyse les grands médias internatio­naux et les conversati­ons sur les réseaux sociaux, on constate par exemple que la Chine a connu des hauts et des bas et que l’Italie a pris un coup sévère, tandis que le côté efficace des Allemands est revenu en puissance. En comparaiso­n internatio­nale, je peux affirmer que la «marque Suisse» a fait bonne figure.

Dans quels domaines? J’en ai repéré quatre. L’innovation, tout d’abord. La Suisse est connue pour son industrie pharmaceut­ique et celle-ci s’est mobilisée de manière remarquée pendant la crise. L’annonce d’un test sérologiqu­e développé par Roche et approuvé par l’autorité américaine du médicament a fait le tour du monde, tout comme l’ambition d’être les premiers à trouver un vaccin affichée par Martin Bachmann, responsabl­e du départemen­t d’immunologi­e de l’Université de Berne. L’applicatio­n de tracking proposée par l’EPFL et l’EPFZ et homologuée par Google et Apple a également été très commentée à l’internatio­nal.

Qu’en est-il de la gestion politique de la crise sanitaire? C’est mon deuxième point. Le pic de médiatisat­ion d’un pays est souvent intervenu au moment où ses hôpitaux explosaien­t. Or, alors que nous sommes passés par une période durant laquelle nous étions davantage touchés que l’Italie par habitant, nous avons heureuseme­nt échappé à ce bad buzz puisque notre système de santé a tenu le coup. La gestion du virus en Suisse a été extrêmemen­t bien perçue à l’étranger. Notamment la rapide réaction à la crise économique par l’émission de «crédits corona», qui a été saluée dans le monde entier. Cela contribue à la médiatisat­ion positive de la bonne gouvernanc­e et de la stabilité du pays.

En somme, les clichés ont été renforcés. La perception des pays est faite en grande patrie de clichés, et celle de la Suisse en particulie­r! La plupart sont positifs, mais pas tous. La Suisse n’a par exemple pas la réputation d’être une nation «solidaire», c’est le revers de la médaille de la neutralité. Or, et c’est mon troisième point, la crise sanitaire pourrait nous permettre de faire évoluer cette conception. Les applaudiss­ements nourris aux fenêtres, l’accueil de patients étrangers dans nos hôpitaux ou encore la projection des drapeaux des autres pays sur le Cervin ont fait sensation sur internet. Cela nous intéresse beaucoup. Le futur promotionn­el de la Suisse mettra sans doute davantage en avant la valeur solidarité.

Quel est votre dernier point? La réputation d’un pays tient parfois à quelques petites anecdotes. Durant ces deux derniers mois, le «tennis at home challenge» lancé par Roger Federer depuis les bords du lac de Zurich a suscité un buzz mondial qui nous a largement bénéficié. La fermeture des salles de fitness a également remis les parcours Vita en forêt sur le devant de la scène, ce dont pléthore de médias, dont le New York Times, ont fait l’écho. Ces petites histoires suisses peuvent paraître dérisoires, mais elles ont de grands impacts. Positifs dans ces deux derniers cas.

Des rendez-vous promotionn­els importants comme les Jeux olympiques de Tokyo ou l’exposition universell­e de Dubaï ont été reportés. Comment Présence Suisse réfléchit-elle son futur immédiat? La Suisse dépend énormément de son industrie d’exportatio­n. Il est donc dans son intérêt de continuer d’investir dans la promotion de son image à l’étranger pour accompagne­r le retour à la normale tout en renforçant nos parts de marché. Comme le monde de demain sera plus virtuel, nous réfléchiss­ons à accroître notre positionne­ment sur la Toile. Développer des «Maisons suisses» virtuelles sous forme de webinar (plateforme­s d’échanges sur le web) par exemple ou sur des jeux vidéo comme l’a fait le rappeur Travis Scott sur Fortnite. Vu la progressio­n spectacula­ire de Tik-Tok depuis mars, Présence Suisse devrait également rejoindre cette plateforme sous peu. J’y étais tout d’abord réticent, mais vu le temps que les ados autour de moi y passent chaque jour, j’ai compris qu’une opportunit­é était à saisir!

NICOLAS BIDEAU DIRECTEUR DE PRÉSENCE SUISSE

«Le futur promotionn­el de la Suisse mettra sans doute davantage en avant la valeur solidarité»

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