Le Temps

«Les fruits et légumes régionaux sont magnifique­s»

Dans leur domaine de Riddes (VS), Philippe Dorsaz et sa fille Mélanie proposent en vente directe un festival de fruits et légumes de chez nous. Aujourd’hui, bonheur, c’est la saison des asperges. Et des premières fraises!

- Texte: Marc David Photos: Sedrik Nemeth

Pour dénicher Philfruits, le marché en vente libre du domaine de Philippe Dorsaz, en pleine nature valaisanne, il faut fuir la route cantonale entre Riddes et Saxon puis s’engouffrer bravement dans un immense réseau d’arbres fruitiers alignés au cordeau. Après quelques virages en angle droit, le lieu se dévoile: un ancien hangar agricole empli de fruits, de légumes, de miels, de confitures, de nectars, de vins, autant de produits locaux, savoureux et éternels.

Avec la légère poussière en suspension sur le parking, le voisinage du Rhône et la lumière finissante d’un après-midi d’avril, on se croirait au Texas. Short et casquette, Philippe Dorsaz accueille avec chaleur, sa fille Mélanie à ses côtés. Ils forment un tandem solide, qui fonctionne depuis 2002 quand ce producteur courageux s’est lancé dans la vente directe, avec d’abord une simple cahute pour accueillir ses premiers oignons ou carottes. Mélanie s’en souvient: «J’avais à peine 12 ans, j’ai commencé avec ma grand-maman.» Ce métier, elle ne l’a pas adopté tout de suite. Puis, quand elle a compris que la vie de bureau n’était pas pour elle, elle a suivi des études d’ingénieur agronome à Genève et Zollikofen. Depuis, elle apporte une jeunesse, un plaisir de la communicat­ion. Elle a développé les brunchs, pris sous son aile une Fête de la fraise – bien sûr annulée cette année – qui attire près de 7000 visiteurs en mai. Son père demeure le producteur en chef de ce domaine de plus de 20 hectares. «Nous avons une très bonne relation, dit-elle. Mon père est toujours d’accord de discuter et d’essayer d’autres choses, c’est agréable. Cela dit, je ne suis pas vraiment une vendeuse. Je ne suis jamais aussi heureuse que dans les champs.» Ils ont leur philosophi­e: «Nous aimons mettre en valeur les beaux produits de la région, que les gens se rendent compte du travail que nous fournisson­s pour eux.»

Son père la regarde en souriant. Fils d’un banquier qui pratiquait l’agricultur­e à côté de son travail et louait des terres à Tourtemagn­e, il est parti de rien. «J’ai vite été dans le bain. J’avais 17 ans quand l’associé de mon père est tombé malade. J’ai dû gérer le domaine. C’est ainsi que j’ai décidé de me mettre à mon compte.» Peu à peu, il a compris qu’il gagnait mieux sa vie en pratiquant la vente directe. Il a commencé avec les oignons, les carottes, les pommes de terre à Riddes, avant d’ouvrir un kiosque à fruits à Bovernier, géré par son amie Laurette, en souhaitant «briser les clichés attrape-touristes». Il a étoffé son offre, s’est diversifié. Des dizaines de variétés de fruits et de légumes, de courges, de tomates, d’abricots, l’occupent aujourd’hui, et environ cinq hectares de fraises. En ces journées d’avril, c’est la période des asperges, dont il cultive environ un hectare. La rhubarbe et les concombres sont aussi là et, merveille, les premières fraises arrivent.

Légumes de saison

On s’assied sur trois chaises devant le marché, là même où, lors de la fête du 1er Août 2017, le conseiller fédéral Schneider-Ammann se lança, après son discours, dans une grande discussion avec Christophe Darbellay. On cause asperges, aujourd’hui. Des légumes qui se régalent sur ces terres limoneuses et sablonneus­es qui drainent, se réchauffan­t facilement au printemps. «Les asperges font partie de l’identité valaisanne, comme l’abricot», glisse Mélanie. Elle-même préfère les blanches: celles-ci prennent cette couleur claire et perdent leur couleur naturelle, le vert, parce qu’on les butte, qu’on leur cache le soleil. «Cette technique leur donne un goût différent. Avec la blanche, on peut faire un vrai repas. La verte est d’abord un légume.» A table, si son père préfère manger les asperges avec une mayonnaise maison, elle aime les enrober de lard et les passer au four. Tous deux se réjouissen­t de les retrouver au sortir de l’hiver, tout comme les tomates plus tard et tant d’autres fruits et légumes, à consommer de saison. Philippe Dorsaz s’en félicite: «C’est bien d’avoir des moments où les légumes s’arrêtent. Si on en mangeait tout le temps, on aurait moins de plaisir.»

En réalité, tous deux partagent le même combat. Faire redécouvri­r les légumes locaux, qui poussent en ribambelle. Mélanie s’enflamme: «Je suis toujours étonnée quand des gens ont des demandes comme des avocats, alors que nous disposons de tant de bons produits chez nous, peut-être meilleurs. Il existe beaucoup de légumes suisses que les gens connaissen­t finalement mal et qu’on peut même cuisiner l’hiver: les choux, les céleris, les raves, les poireaux, les oignons, les carottes.»

Philippe Dorsaz et sa fille tombent parfois des nues quand on leur demande en avril s’ils ont des abricots à vendre. Ils serrent les poings à la centième fois qu’on les interroge sur leur biocompati­bilité. «En réalité, nous pratiquons la production intégrée. Nous n’utilisons des fongicides que si c’est nécessaire. Nous employons des auxiliaire­s, soit des insectes bénéfiques, pour contrôler les ravageurs et ainsi protéger nos cultures sans chimie. De plus, les fraises hors sol ne sont pas admises en bio.»

Ils ne comptent pas leurs heures. Leurs journées durent tant que brille le soleil. Comme leur domaine est disséminé sur des micro-parcelles dans plusieurs communes, les employés se retrouvent chaque matin sur un parking et le patron distribue le travail. Le soir précédent, il a mûrement réfléchi. «C’est souvent compliqué. En pleine période de fraises, on peut aller jusqu’à huit équipes et 40 employés. Comme nous sommes très diversifié­s, il est difficile de pratiquer le même travail pendant une longue durée. Il faut tenir compte de la météo, de tout.» Ce jour-là, ils se sont occupés à la fois des chouxfleur­s et des courgettes, ont nettoyé les framboises, préparé les fraises. Peutêtre est-ce plus délicat à organiser, mais quelle belle diversité en récompense. Ici, rien que du côté des fruits, poussent abricots, fraises, framboises, cassis, groseilles, mûres, pêches, nectarines, poires, pruneaux, melons et même figues.

Ils regardent autour d’eux. Une mère de famille montre les lapins et les chèvres à ses enfants. Dans le magasin, un couple examine les produits du cru. En fait, nous sommes loin du Texas. C’est le Valais, eldorado des fruits et légumes de chez nous.

 ??  ?? Mélanie et Philippe Dorsaz dans un de leurs champs de fraises. Le 20 avril, les premières fraises de l’année ont été récoltées chez Philfruits, à Riddes. Le domaine consacre cinq hectares à cette culture. De la clery à la mara des bois, une dizaine de variétés poussent là, et les producteur­s en testent toujours de nouvelles.
Mélanie et Philippe Dorsaz dans un de leurs champs de fraises. Le 20 avril, les premières fraises de l’année ont été récoltées chez Philfruits, à Riddes. Le domaine consacre cinq hectares à cette culture. De la clery à la mara des bois, une dizaine de variétés poussent là, et les producteur­s en testent toujours de nouvelles.
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 ??  ?? Philfruits, c’est une jolie histoire père-fille entre Philippe Dorsaz, 58 ans, et Mélanie, 30 ans. Ils travaillen­t ensemble et se complètent gaiement. En ces journées de printemps, place aux fraises et aux asperges.
Philfruits, c’est une jolie histoire père-fille entre Philippe Dorsaz, 58 ans, et Mélanie, 30 ans. Ils travaillen­t ensemble et se complètent gaiement. En ces journées de printemps, place aux fraises et aux asperges.
 ??  ?? Longues et effilées, les asperges comptent parmi les légumes préférés des Suisses. Les blanches doivent leur couleur à leur absence d’exposition au soleil. Elles poussent à l’abri de la terre.
Longues et effilées, les asperges comptent parmi les légumes préférés des Suisses. Les blanches doivent leur couleur à leur absence d’exposition au soleil. Elles poussent à l’abri de la terre.

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