Le Temps

L’emprunt vert de Swisscom a attiré 5 milliards d’euros d’offre

- SÉBASTIEN RUCHE @sebruche

L’opérateur télécom a levé 500 millions d’euros pour diminuer son empreinte carbone et celle de ses clients, jeudi. Les investisse­urs potentiels ont proposé de lui prêter dix fois plus. Swisscom diversifie ainsi ses sources de financemen­t

L’obligation verte émise jeudi par Swisscom a rencontré un succès marqué auprès des investisse­urs. L’opérateur télécom cherchait à emprunter 500 millions d’euros, il a reçu des offres d’un total approchant 5 milliards d’euros. Pourquoi Swisscom a-t-il choisi ce type de financemen­t? Quelle utilisatio­n en sera faite? Le directeur financier de Swisscom, Mario Rossi, apporte les réponses.

Swisscom s’est aventuré en territoire inconnu ce jeudi, en émettant sa première obligation verte pour un montant de 500 millions d’euros. L’argent levé sera utilisé pour réduire la consommati­on d’énergie de l’opérateur et accroître l’efficacité énergétiqu­e de ses réseaux. Dans la pratique, «il s’agit notamment du déploiemen­t accru des raccordeme­nts en fibre optique économes en énergie et d’investisse­ments dans les réseaux de l’internet des objets et de 5G. Nous allons par exemple soutenir des projets de virtualisa­tion, de mobilité, d’énergie renouvelab­le», détaille Mario Rossi, le directeur financier de Swisscom, qui pourrait prochainem­ent prendre le volant d’un des véhicules électrique­s que l’entreprise souhaite acquérir grâce à cet emprunt.

Plus grand «green bond» de Suisse

Une obligation doit respecter un certain nombre de critères pour obtenir l’appellatio­n «verte». En résumé, les capitaux recueillis doivent permettre de diminuer l’empreinte carbone de l’émetteur ou de contribuer à la réalisatio­n des Objectifs de développem­ent durable (ODD) de l’ONU. Le marché suisse des obligation­s vertes reste limité, représenta­nt moins de 1% du marché mondial, et attirant essentiell­ement des emprunteur­s publics. Ce green bond de Swisscom, le plus grand jamais émis en Suisse, entre dans sa stratégie de diminuer ses émissions de CO2 de 450000 tonnes au total d’ici à 2025, ce qui représente environ 1% des émissions de gaz à effet de serre en Suisse, selon l’entreprise. L’an dernier, Swisscom a émis 361000 tonnes de CO2, dont 16448 tonnes directemen­t (mobilité et chauffage) et 344524 tonnes indirectem­ent (pour la fabricatio­n d’appareils et d’équipement ou leur transport vers la Suisse par exemple). En 2018, l’entreprise avait émis un total de 442000 tonnes de CO2 (17000 tonnes directes et 425000 indirectes).

Les investisse­urs ont été très attirés par cette possibilit­é de prêter de l’argent à Swisscom, offrant près de 5 milliards d’euros au total. La solidité financière de l’entreprise, la qualité de ses infrastruc­tures et la garantie implicite de la Confédérat­ion (actionnair­e à 51%) ont constitué des arguments déterminan­ts, soulignaie­nt mercredi dans nos colonnes les gérants d’un des plus grands fonds de green bonds du monde, NN Investment Partners. Pour Swisscom, c’est l’occasion de diversifie­r ses sources de financemen­t, reprend Mario Rossi: «Nous avons été surpris par l’intérêt d’un nouveau type d’investisse­urs, des spécialist­es du renouvelab­le notamment, qui n’étaient pas nos bailleurs de fonds habituels. Durant la préparatio­n de cette émission, nous avons reçu autant de questions sur notre performanc­e financière que sur la durabilité ou sur la réduction des émissions de CO2.»

Emprunter «durable» est-il plus intéressan­t sur le plan financier? Pas nécessaire­ment. Le coupon de cette obligation fixe à échéance de novembre 2028 s’est établi à 0,375%, pour un rendement de 0,48%. Mais le lancement d’un tel instrument implique des frais supplément­aires, en particulie­r pour des audits internes et externes ou la mise sur pied d’un comité qui décide de l’allocation des fonds. Si le gain comptable n’est pas considérab­le, on peut imaginer que Swisscom a émis ce green bond pour des raisons d’image avant tout.

«Un petit bénéfice»

«Nous sommes convaincus qu’une obligation verte nous permet d’obtenir de meilleures conditions sur le marché; globalemen­t, émettre un tel instrument apporte un petit bénéfice.» La Confédérat­ion a-t-elle poussé dans cette voie, aussi pour des questions d’image? «Pas du tout, le Conseil fédéral n’intervient pas dans la façon dont nous nous finançons. Il fixe seulement des objectifs stratégiqu­es, comme de privilégie­r les options durables lorsque cela fait du sens sur le plan économique», avance Mario Rossi.

Le 17 avril, Swisscom avait publié un document cadrant l’émission d’obligation­s vertes. Ce «Green Bond Framework» reprend les principes de l’Internatio­nal Capital Market Associatio­n en la matière. Est-ce que, à l’avenir, Swisscom compte s’aligner sur la taxonomie mise sur pied par l’Union européenne (UE) pour ce type d’instrument­s? «Nous prendrons en considérat­ion les versions futures de la taxonomie, aujourd’hui encore en développem­ent en ce qui concerne les télécoms.»

«Durant la préparatio­n de cette émission, nous avons reçu autant de questions sur notre performanc­e financière que sur la durabilité ou sur la réduction des émissions de CO2»

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DIRECTEUR FINANCIER DE SWISSCOM
MARIO ROSSI DIRECTEUR FINANCIER DE SWISSCOM

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