Le Temps

Dépenser mieux, mais dépenser quand même

- ALINE BASSIN @bassinalin­e

Il pourrait être trompeur, l’engouement dont les commerces bénéficier­ont dans un premier temps. Ces prochains jours, par nécessité ou par envie, nous serons nombreux à retourner chez notre libraire, notre marchand de chaussures ou à nous offrir un bon petit resto.

Passé ce premier rebond, l’économie risque d’être victime du syndrome de la fourmi. Abreuvés d’indicateur­s économique­s alarmants, les consommate­urs vont réfléchir à deux fois avant de sortir leur carte de crédit. Le comporteme­nt est tentant, il est même logique.

En accentuant la récession, cette frilosité pourrait toutefois se révéler dévastatri­ce. Car à force de souligner l’internatio­nalisation de l’économie suisse, on finit par oublier que celle-ci est aussi marquée par une robuste activité interne. A l’origine de la moitié du produit intérieur brut, la consommati­on privée a largement contribué à atténuer les derniers refroidiss­ements conjonctur­els.

Chômeurs à temps partiel ou entreprise­s, beaucoup ressortent meurtris d’une expérience économique que nul n’aurait imaginée il y a à peine trois mois. Au milieu de la déferlante quotidienn­e de chiffres anxiogènes, des données moins négatives passent toutefois inaperçues. Elles donnent des raisons d’espérer.

Si le climat de confiance est plus sombre que jamais, de nombreux Suisses relèvent être entrés dans la crise en bonne santé financière. Selon Credit Suisse, pour beaucoup, cette situation s’est souvent améliorée pendant le confinemen­t, même si, naturellem­ent, les situations varient.

Après deux mois de retenue, il est donc plus que jamais temps de se faire plaisir: passer ses vacances au pays, s’offrir la console de jeux de ses rêves ou encore équiper son toit de panneaux photovolta­ïques. Acheter ne rime pas immanquabl­ement avec polluer, et la pandémie constitue un terreau propice à la consommati­on locale et responsabl­e.

Plus précarisée que jamais, une frange croissante de la population n’a pas le loisir d’hésiter entre la dépense ou le bas de laine. Ceux que la crise a épargnés ont, eux, la chance – ou est-ce un devoir? – de pouvoir s’investir dans un développem­ent plus équilibré, de dessiner une voie médiane entre décroissan­ce et consommati­on débridée.

Durant les mois à venir, se rendre chez son coiffeur ou chez le vigneron du coin relèvera tout autant de l’acte solidaire que de nombreux gestes de générosité loués pendant le confinemen­t. Si, en plus, cet acte amène du bien-être, il n’y a aucune raison d’en rougir.

Dessiner une voie médiane entre décroissan­ce et consommati­on débridée

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