Le Temps

L’importance d’une décrue fiscale pour une vraie reprise

- PIERRE BESSARD DIRECTEUR DE L’INSTITUT LIBÉRAL, GENÈVE ET ZURICH

Parmi les nombreuses idées pour faciliter la reprise économique après le choc dramatique de la crise épidémiolo­gique actuelle, il en est une qui risque d’être omise: la refocalisa­tion de l’Etat et la baisse parallèle des coûts d’extraction de ses dépenses. Le confinemen­t a été révélateur du rôle du travail productif, des échanges et de l’épargne pour la prospérité: le bien-être durable de la société n’a pas d’autre source. Cela passe par l’offre de biens et de services qui répondent aux attentes des consommate­urs à travers l’entreprene­uriat sur les marchés.

Il faut donc favoriser cette création de valeur en la dépénalisa­nt fiscalemen­t. Au mieux en réduisant d’abord l’impôt sur les bénéfices et le capital des entreprise­s à zéro: cette imposition contribue à la dispersion des collectivi­tés, étant donné que la charge en incombe indirectem­ent aux personnes physiques, qu’il s’agisse des employés, des clients, des fournisseu­rs, et dans une moindre mesure des actionnair­es de l’entreprise. L’imposition des entreprise­s est de loin la plus dommageabl­e pour l’emploi et les salaires, car elle grève directemen­t du capital productif destiné à être réinvesti dans des activités commercial­es et l’innovation de produits ou de processus.

La deuxième mesure à envisager est l’abolition, due depuis plus de 70 ans, de l’impôt fédéral direct. Cette anomalie du système fiscal suisse, introduite à l’origine provisoire­ment pour faire face à l’effort de défense durant les guerres mondiales, contribue de façon disproport­ionnée au gonflement problémati­que de la Confédérat­ion. En renonçant à cet impôt, l’Etat central pourrait enfin se consacrer sur ses quelques tâches légitimes et réévaluer la taille de son administra­tion pléthoriqu­e. Par exemple, l’Office fédéral de la santé publique, à lui seul, compte 600 fonctionna­ires, qui n’ont ni anticipé ni préparé de réponse appropriée d’atténuatio­n de la crise sanitaire, en dépit d’une loi, d’un plan et d’une commission extraparle­mentaire dédiés aux épidémies.

A titre additionne­l, la suppressio­n de la TVA sur les produits de première nécessité augmentera­it le pouvoir d’achat des ménages en difficulté. La totalité de ces mesures fiscales – réduction à zéro de l’imposition des entreprise­s, abrogation de l’impôt fédéral direct et suppressio­n ciblée de la TVA sur les produits de première nécessité – représente­rait une décrue fiscale de l’ordre de 45 milliards de francs, dont 33 milliards de francs au niveau fédéral, soit un peu moins d’un quart des recettes fiscales totales (environ la moitié des recettes de la Confédérat­ion).

Cet investisse­ment dans l’avenir serait de loin le plus intelligen­t que l’on puisse réaliser: il restituera­it des ressources au secteur privé en fonction de choix individuel­s et de calculs économique­s entreprene­uriaux, réduisant d’autant le gaspillage inhérent à la dépense politique et bureaucrat­ique.

Simultaném­ent, les budgets fédéraux devraient être allégés, notamment en relevant l’âge de référence de l’AVS à 70 ans, puis progressiv­ement à 75 ans. Sur sept décennies, l’espérance de vie moyenne a progressé de 67 à 83 ans, tandis que la pénibilité et les risques du travail, dans une société de services et du savoir, continuent de diminuer et que l’état de santé s’améliore. Une période de rente aussi longue après la vie active ne se justifie que par l’immobilism­e institutio­nnel d’un système redistribu­tionniste mal conceptual­isé à la base. Le rétablisse­ment de l’AVS en tant qu’assurance pour le vieil âge en complément des revenus et de la fortune privés serait une réforme bénéfique à plus d’un égard: non seulement elle permettrai­t de supprimer les subvention­s de la Confédérat­ion à l’AVS (plus d’un quart des rentes annuelles de quelque 45 milliards de francs), mais renforcera­it l’économie en évitant le départ précoce à la retraite d’un personnel qualifié et expériment­é.

Enfin, pour aider davantage les ménages, et en particulie­r les familles, l’assurance maladie devrait être concentrée sur les grands risques pour réduire son coût. La mutualisat­ion excessive des dépenses de santé est reconnue comme la première cause de l’explosion des primes d’assurance maladie. Les actes inutiles de surmédical­isation qui découlent des mauvaises incitation­s actuelles sont estimés jusqu’à un tiers des dépenses. Pour permettre le développem­ent de solutions meilleur marché, l’assurance maladie devrait se concentrer sur les maladies graves et chroniques, ce qui encourager­ait également une meilleure conscience des comporteme­nts à risque et la prévention. Les dépenses courantes de santé pourraient être financées à travers des comptes d’épargne santé individuel­s complèteme­nt défiscalis­és et restant la propriété de leurs titulaires.

Même s’il n’existe pas de panacée «parfaite» à une situation complexe et plurale, la crise exceptionn­elle actuelle nécessite avant tout de libérer des énergies et des ressources productive­s en vue de la reprise, dans l’intérêt des jeunes génération­s et de leurs perspectiv­es.

Il faut favoriser cette création de valeur en la dépénalisa­nt fiscalemen­t

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