Longue récession en vue pour l’industrie des machines
Les fabricants de machines-outils ne voient pas d’embellie avant l’été 2021. Le temps pour leurs clients de relancer leurs chaînes de production et de retrouver la confiance nécessaire aux investissements. La branche appelle les autorités à faire preuve de souplesse
Les premiers seront les derniers. Une maxime lourde de sens pour l’industrie suisse des machines, des équipements électriques et des métaux (MEM). Déjà affaiblie par plusieurs crises ces derniers mois (Hongkong, Brexit, guerre commerciale Etats-Unis-Chine, effondrement du marché automobile), elle a enregistré au premier trimestre 2020 un recul des entrées de commandes (-2%), du chiffre d’affaires (-5,7%) et des exportations (-8,4%).
Avec le Covid-19, ces tendances se sont rapidement renforcées, nombre de clients renonçant à investir dans des outils de production pour conserver des liquidités. De quoi ébranler un peu plus cette branche majeure qui génère 7% du PIB suisse, 30% des exportations helvétiques et emploie 324000 personnes.
Les statistiques communiquées lundi par Swissmem ne reflètent toutefois pas la situation actuelle de cette industrie, car elle n’a pas encore subi de plein fouet les effets économiques du Covid-19. Selon Hans Hess, président de la faîtière, «tous les indicateurs précoces montrent une baisse massive du chiffre d’affaires à partir du deuxième trimestre. Il est pour le moment impossible de dire à partir de quand la situation s’améliorera.»
Confiance ébranlée
«La confiance des marchés est fortement ébranlée», s’inquiète Philippe Scemama, président de LNS Group, spécialisé dans les périphériques pour machines-outils. Comme nombre de dirigeants de la branche, il observe de près l’évolution du PMI. Cet indice mesure la confiance des directeurs d’achat au niveau mondial. En dessous de 50 (sur 100), il indique une contraction du secteur d’activité.
De 49,2 en février, le PMI de la zone euro s’est effondré à 33,4 en avril (2009: 36,2). La dernière enquête de Swissmem auprès de ses membres confirme cette tendance: 70% des entreprises sondées s’attendent à une diminution des entrées de commandes pour les douze prochains mois (28% fin 2019). 48% d’entre elles doivent faire face à des annulations de commandes en raison de la pandémie, et 80% ont dû recourir au chômage partiel.
A cette chute annoncée des entrées de commandes s’ajoute la difficulté à honorer les contrats déjà passés
A cette chute annoncée des entrées de commandes s’ajoute la difficulté à honorer les contrats déjà passés. «Nous pouvons construire des machines, mais on ne peut pas les livrer en raison de la fermeture des frontières», déplore Olivier Haegeli, codirecteur de Willemin-Macodel, qui fournit des solutions d’usinage notamment pour l’horlogerie, l’aviation et le médical. Sans livraison, la firme ne peut pas facturer. Olivier Haegeli relève aussi que les restrictions de voyages pèsent lourd: «Nous allons perdre deux à trois mois de prospection. L’année 2020 est perdue et je m’attends à vivre 12 à 15 mois plutôt difficiles.»
Aide demandée sur le long terme
Dans son communiqué de lundi, Swissmem appelle la Confédération à supprimer les droits de douane sur les produits industriels (125 millions de francs par an), mais aussi à assouplir davantage les restrictions de voyage, à prolonger le délai de demande de crédits-relais jusqu’à la fin de l’année au lieu du 31 juillet et à augmenter de 12 à 18 mois la durée d’indemnisation en cas de réduction de l’horaire de travail.
Unia s’inquiète de son côté de constater que certaines entreprises bénéficiaires du chômage partiel procèdent déjà à des licenciements. «Il s’agit surtout de sociétés qui ne font pas partie de la CCT, ce n’est pas acceptable», relève Manuel Wyss. Le responsable national du syndicat pour la branche des machines ne pronostique pas les conséquences sur l’emploi mais confirme que «les vrais effets du Covid19 ne seront visibles que d’ici trois à six mois».
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