Déclin inédit des exportations horlogères
Le mois d’avril 2020 restera gravé dans les mémoires des horlogers suisses. Sans surprise, les exportations se sont effondrées à leur plus bas niveau depuis la création des statistiques de la Fédération horlogère
Une chute sans précédent. Les exportations horlogères suisses ont enregistré un recul de 81,3% en avril, à 328,8 millions de francs. Dans ses statistiques mensuelles publiées mardi, la Fédération de l’industrie horlogère suisse (FH) fait état d’une triple paralysie du secteur en raison de la pandémie de Covid-19. Elle concerne aussi bien la production que la distribution et les ventes.
Ce repli massif par rapport à mars (-21,9%) concerne désormais tous les marchés. Les Etats-Unis qui profitaient encore d’une croissance de 20,9% en mars affichent la plus forte baisse (-86,4%). «C’était attendu, le pays ayant été touché plus tardivement par la pandémie», analyse Jean-Daniel Pasche, président de la FH. Après un sursaut en mars (+10,5%), la Chine est également repassée en négatif mais affiche un déclin moindre qu’en février (-16,1% contre -51,5%).
Comme le mois dernier, ces chiffres ne surprennent pas Jean-Daniel Pasche: «Il ne s’est rien passé en avril, tout était fermé à l’échelle planétaire. C’est difficile d’avoir une activité horlogère dans ces conditions». Le président de la faitière ne s’épanche pas en commentaires. Tout en restant prudent face aux incertitudes liées à la pandémie, il imagine tout de même un mois de mai moins mauvais qu’avril.
Lent redémarrage en Chine
Les premiers signes de reprises observés ces dernières semaines, principalement sur le marché chinois, restent timide. «La situation n’est pas aussi positive que certains veulent le faire croire. La consommation a redémarré par endroit, mais elle est très volatile et se fait par vague», constate Manuel Emch, consultant pour plusieurs horlogers (Louis Erard, Raketa).
Les analyses du Sell-Out Index réalisés par le fondateur de The Mercury Project, Thierry Huron, confirment cette fébrilité des marchés. S’appuyant sur les données du Bureau national des statistiques de Chine, il relève que les ventes du secteur horlogerie et joaillerie ont diminué de 12% en avril sur le marché chinois par rapport à 2019. «C’est mieux qu’en mars (-30,1%), mais la tendance reste négative», indique le consultant.
La pandémie a accéléré le développement des plateformes de ventes en ligne, c’est un fait. «Les plus grandes avancées numériques observées dans la branche ont été provoquées par un virus et pas par les décisions de directeurs d’entreprises», ironise Manuel Emch. Le consultant relève cependant que ces canaux de distribution ne compensent de loin pas le manque à gagner provoqué par la fermeture des boutiques et l’arrêt du tourisme.
Une des conclusions est que les plaisirs sont accessoires en cette période de crise, commente la fédération horlogère
Le commerce en ligne est aussi qualifié de relais très partiel par la FH: «victime de son succès pour les biens de première nécessité, il montre des signes de saturation». S’appuyant sur une analyse du trafic en ligne menée par Contentsquare, la faîtière relève un recul compris entre 50 et 65% pour le secteur montres et joaillerie. «Une des conclusions est que les plaisirs sont accessoires en cette période de crise», commente la FH.
Repli annuel estimé à 30%
Le marché horloger pourrait se contracter de 30% d’ici la fin de l’année, selon la FH. Ses prévisions se basent sur deux hypothèses: un blocage des marchés pendant deux mois et un retour à la normale qui prendrait six mois, contre six à douze mois selon les analystes. La faîtière a-t-elle délibérément retenu l’option la plus favorable? «Nous avons choisi le scénario qui nous semblait le plus réaliste», nuance Jean-Daniel Pasche.
A plus long terme, la FH s’attend à ce que la crise sanitaire ait des conséquences au-delà de 2021. Elle estime que le rebond des exportations ne sera pas aussi marqué que leur chute et qu’une «compensation intégrale de la baisse enregistrée cette année ne sera sans doute pas possible». Malgré cela, la faîtière fait état de perspectives solides pour le secteur du luxe qui compte sur «une croissance portée par l’augmentation de la classe moyenne chinoise, la jeune génération, le commerce en ligne et le numérique comme facteur d’influence.»
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