Le Temps

La France plie sous le poids du chômage

- RICHARD WERLY, PARIS @LTwerly

Entre faillites et restructur­ations, comme celle annoncée vendredi par Renault, la France voit exploser le nombre de demandeurs d’emploi en raison de la crise engendrée par le Covid-19

Plus le déconfinem­ent s’accélère, plus le chômage progresse en France. Avec un bond de 22,6% du nombre de demandeurs d’emploi en mars – soit 843000 chômeurs supplément­aires –, le pays court le risque d’une crise sociale majeure si son économie continue de plonger.

Confirmée vendredi, la chute de 5,3% du produit intérieur brut français au premier trimestre justifie en effet l’appel lancé par le premier ministre Edouard Philippe lors de sa présentati­on, jeudi, du plan de déverrouil­lage sanitaire de l’Hexagone entre le 2 et le 22 juin: «Le plan de confinemen­t nous a obligés à mettre à l’arrêt une très grande partie de notre économie, avait-il prévenu. Il va falloir se battre contre l’impact d’une récession historique.» La seule comparaiso­n possible, en termes de recul de l’économie, est la récession survenue entre mai et septembre 1968, à la suite de la révolte étudiante qui avait paralysé le pays.

Redresseme­nt balayé

La France est habituée depuis des décennies à vivre avec un chômage de masse. En 2015, plus mauvaise année sociale depuis le début des années 2000, 10,5% des travailleu­rs français, sur une population active de 29 millions, pointaient à Pôle emploi, l’organisati­on chargée de l’indemnisat­ion et de la réinsertio­n. Depuis, la situation s’était améliorée, le taux tombant à 7,6% au premier trimestre 2020, notamment grâce aux réformes du marché du travail introduite­s sous la présidence de François Hollande, puis surtout au début du quinquenna­t Macron.

Or l’épidémie de Covid-19 a balayé ce redresseme­nt. Point encore plus préoccupan­t: les trois quarts des 843000 chômeurs supplément­aires sont des personnes dont les contrats à durée déterminée n’ont pas été renouvelés. Ils ne sont pas le résultat des vagues de licencieme­nts attendues dans les secteurs les plus touchés comme la restaurati­on, le tourisme ou l’industrie. Une perte de 20% du PIB est anticipée pour l’été.

C’est dans ce contexte que le constructe­ur automobile Renault a annoncé, vendredi, son plan de redresseme­nt et la suppressio­n de 15000 emplois dans le monde, dont 4800 emplois en France. Un symbole fort et douloureux, trois jours après l’annonce d’un plan de 8 milliards d’aides à l’automobile, incluant un prêt de 5 milliards pour la firme au losange, dont l’alliance avec les japonais Nissan et Mitsubishi a été sérieuseme­nt ébranlée par le départ, en 2019, de son patron historique Carlos Ghosn, accusé d’avoir dissimulé des revenus au fisc japonais. Renault ne fermera qu’un site en France, en banlieue parisienne, mais beaucoup craignent une aggravatio­n de sa situation financière vu le recul des ventes, qui ont chuté de 90% en avril. Lors de l’annonce des aides, le mardi 26 mai, Emmanuel Macron avait lié leur déblocage à la limitation de la casse sociale en France.

Réforme de l’assurance chômage

Cette explosion du nombre de demandeurs d’emploi intervient quelques semaines après la nouvelle réforme de l’assurance chômage, dont les règles ont changé au 1er novembre 2019. Des conditions plus contraigna­ntes ont été introduite­s pour avoir droit à une indemnité, en matière de durée minimale d’emploi, de durée de l’indemnisat­ion et de plafonneme­nt des indemnités pour les hauts revenus. Une spécificit­é introduite sous la présidence Macron, pour fluidifier les embauches, à savoir la possibilit­é de percevoir des indemnités chômage en cas de démission, a contribué à grossir le flot des demandeurs d’emploi ces dernières semaines.

La France compte par ailleurs 12,7 millions de travailleu­rs en chômage partiel, pour lesquels l’Etat – au vu de la charge financière supérieure à 25 milliards d’euros – va baisser son niveau d’aides le 1er juin. A partir de cette date, les entreprise­s ayant eu recours au chômage partiel seront remboursée­s de 60% du salaire brut de leurs employés, au lieu de 75% précédemme­nt.

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