La France plie sous le poids du chômage
Entre faillites et restructurations, comme celle annoncée vendredi par Renault, la France voit exploser le nombre de demandeurs d’emploi en raison de la crise engendrée par le Covid-19
Plus le déconfinement s’accélère, plus le chômage progresse en France. Avec un bond de 22,6% du nombre de demandeurs d’emploi en mars – soit 843000 chômeurs supplémentaires –, le pays court le risque d’une crise sociale majeure si son économie continue de plonger.
Confirmée vendredi, la chute de 5,3% du produit intérieur brut français au premier trimestre justifie en effet l’appel lancé par le premier ministre Edouard Philippe lors de sa présentation, jeudi, du plan de déverrouillage sanitaire de l’Hexagone entre le 2 et le 22 juin: «Le plan de confinement nous a obligés à mettre à l’arrêt une très grande partie de notre économie, avait-il prévenu. Il va falloir se battre contre l’impact d’une récession historique.» La seule comparaison possible, en termes de recul de l’économie, est la récession survenue entre mai et septembre 1968, à la suite de la révolte étudiante qui avait paralysé le pays.
Redressement balayé
La France est habituée depuis des décennies à vivre avec un chômage de masse. En 2015, plus mauvaise année sociale depuis le début des années 2000, 10,5% des travailleurs français, sur une population active de 29 millions, pointaient à Pôle emploi, l’organisation chargée de l’indemnisation et de la réinsertion. Depuis, la situation s’était améliorée, le taux tombant à 7,6% au premier trimestre 2020, notamment grâce aux réformes du marché du travail introduites sous la présidence de François Hollande, puis surtout au début du quinquennat Macron.
Or l’épidémie de Covid-19 a balayé ce redressement. Point encore plus préoccupant: les trois quarts des 843000 chômeurs supplémentaires sont des personnes dont les contrats à durée déterminée n’ont pas été renouvelés. Ils ne sont pas le résultat des vagues de licenciements attendues dans les secteurs les plus touchés comme la restauration, le tourisme ou l’industrie. Une perte de 20% du PIB est anticipée pour l’été.
C’est dans ce contexte que le constructeur automobile Renault a annoncé, vendredi, son plan de redressement et la suppression de 15000 emplois dans le monde, dont 4800 emplois en France. Un symbole fort et douloureux, trois jours après l’annonce d’un plan de 8 milliards d’aides à l’automobile, incluant un prêt de 5 milliards pour la firme au losange, dont l’alliance avec les japonais Nissan et Mitsubishi a été sérieusement ébranlée par le départ, en 2019, de son patron historique Carlos Ghosn, accusé d’avoir dissimulé des revenus au fisc japonais. Renault ne fermera qu’un site en France, en banlieue parisienne, mais beaucoup craignent une aggravation de sa situation financière vu le recul des ventes, qui ont chuté de 90% en avril. Lors de l’annonce des aides, le mardi 26 mai, Emmanuel Macron avait lié leur déblocage à la limitation de la casse sociale en France.
Réforme de l’assurance chômage
Cette explosion du nombre de demandeurs d’emploi intervient quelques semaines après la nouvelle réforme de l’assurance chômage, dont les règles ont changé au 1er novembre 2019. Des conditions plus contraignantes ont été introduites pour avoir droit à une indemnité, en matière de durée minimale d’emploi, de durée de l’indemnisation et de plafonnement des indemnités pour les hauts revenus. Une spécificité introduite sous la présidence Macron, pour fluidifier les embauches, à savoir la possibilité de percevoir des indemnités chômage en cas de démission, a contribué à grossir le flot des demandeurs d’emploi ces dernières semaines.
La France compte par ailleurs 12,7 millions de travailleurs en chômage partiel, pour lesquels l’Etat – au vu de la charge financière supérieure à 25 milliards d’euros – va baisser son niveau d’aides le 1er juin. A partir de cette date, les entreprises ayant eu recours au chômage partiel seront remboursées de 60% du salaire brut de leurs employés, au lieu de 75% précédemment.
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