Une réponse kosovare aux accusations contre Hashim Thaçi
Le second tour des élections municipales françaises est, au fond, la continuation directe de la présidentielle de 2017. Invités à choisir entre des maires sortants issus des partis traditionnels qui, souvent, se présentaient à la tête d’alliances de circonstances, de nombreux électeurs français ont préféré «faire sauter la banque» en votant écologiste. L’élection d’Emmanuel Macron, ne l’oublions pas, s’est d’abord jouée voici trois ans sur la désaffection envers les deux grands partis de gouvernement, le Parti socialiste à gauche (6,36% des voix au premier tour pour son candidat Benoît Hamon) et Les Républicains à droite (20,01%). Outre l’actuel président de la République, deux autres candidats présumés «anti-système» avaient alors engrangé un record de suffrages: Marine Le Pen pour l’extrême droite, et Jean-Luc Mélenchon pour la gauche radicale. Le macronisme était un «dégagisme». Installer à la tête de la République française un chef de l’Etat jamais élu était un désaveu limpide de la politique à l’ancienne.
Ce qui s’est passé dimanche 28 juin dans de grandes villes comme Lyon, Marseille, Bordeaux, Tours ou Besançon relève d’une équation similaire. Même s’il fut plusieurs fois candidat pour son parti, Europe Ecologie Les Verts (EELV), le nouveau maire de Lyon, Grégory Doucet, est, pour beaucoup de ses électeurs, un nouveau venu bardé de sa seule expérience dans le secteur humanitaire. L’avocat Pierre Hurmic, le nouveau maire de Bordeaux, est un vétéran des mandats locaux qui n’a jamais brigué de mandat national. Anne Vignot, 60 ans, désormais installée à l’hôtel de ville de Besançon, est une scientifique du CNRS entrée en politique voici dix ans. Jeanne Barseghian, aujourd’hui aux commandes de Strasbourg, est une juriste qui travaillait dans l’ombre pour le groupe écologiste au Conseil régional d’Alsace. Michèle Rubirola, qui bataille ces jours-ci pour obtenir la majorité au conseil municipal de Marseille, a longtemps été médecin dans les fameux quartiers nord. La liste pourrait s’allonger. Les électeurs ont choisi des personnalités qui n’étaient pas sur le devant de la scène électorale, dont la compétence professionnelle est reconnue.
La différence est que cette «disruption» version municipale n’est pas personnalisée. Pour faire simple, les élections législatives de juin 2017 – qui suivirent de près la présidentielle – ont vu une majorité de citoyens se porter sur des candidats «labellisés Macron». Beaucoup de jeunes députés de La République en marche (LREM), le parti présidentiel, l’admettent d’ailleurs aujourd’hui: leur photo aux côtés du jeune locataire de l’Elysée, tout juste élu, a pesé bien plus lourd dans les urnes que tout autre argument. «Je ne me fais pas d’illusions. Un sac de farine aurait été élu aussi» m’a lâché, un jour, un député centriste macronien. La polarisation du débat politique, en 2017, tournait donc autour d’Emmanuel Macron, avec tous les raccourcis que cela a entraîné lors de la campagne. L’amateurisme de certains candidats LREM est passé au second plan. Les conditions dans lesquelles le parti les avait investis (sans véritable mise en concurrence préalable) ont été camouflées par les circonstances. Résultat: une alternative éclatante (310 députés et apparentés en 2017) mais bâclée. La preuve: trois ans plus tard, le malaise s’est installé et le groupe majoritaire, après deux scissions, ne compte plus que 281 élus, soit moins que la majorité absolue des sièges à l’Assemblée (289).
Il faut donc regarder de près ces municipales car elles constituent, paradoxalement, le deuxième étage de la fusée allumée voici trois ans. Aux élus verts, souvent portés au pouvoir par surprise, les électeurs n’ont pas demandé, dimanche, que des mesures écologiques ou la transformation énergétique de leur ville. Ils attendent aussi d’eux qu’ils gouvernent leurs métropoles de façon plus «participative», que cesse le jeu des alliances entre partis et que diminue l’influence des lobbys sur l’action publique. Le message issu des urnes est aussi celui d’une décentralisation accrue et d’une volonté d’émancipation des appareils politiques parisiens.
Sur tout cela, Emmanuel Macron peut parvenir à surfer. Son handicap majeur est évidemment son image de président «libéral», acquis aux intérêts du secteur privé, obsédé par la compétitivité, et mal informé des spécificités locales. Morale de l’histoire: le président français devrait consulter en urgence géographes et urbanistes. Sa volonté de «transformation» de la France peut encore être remise sur les rails, d’ici à 2022, si elle parvient à intégrer la «transformation» des villes remportées par ces nouveaux visages de l’écologie politique.
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Le message issu des urnes est aussi celui d’une décentralisation accrue et d’une volonté d’émancipation des appareils politiques parisiens