Le Temps

Passe d’armes à l’ONU sur Hongkong

ASIE Vingt-sept pays, dont la Suisse, dénoncent la loi sur la sécurité imposée par Pékin

- FRÉDÉRIC KOLLER @fredericko­ller

Le bras de fer entre la République populaire de Chine et ses alliés, d’une part, et des Etats démocratiq­ues et les experts du Conseil des droits de l’homme qui dénoncent les dérives de Pékin en matière de libertés civiles, d’autre part, s’est durci ces jours-ci à l’ONU. Mercredi, un groupe de 27 pays emmenés par le Royaume-Uni transmetta­it une déclaratio­n publique à la Haut-Commissair­e aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, dans le cadre de la 44e session du Conseil qui se tient à Genève. Les Etats signataire­s appellent les autorités chinoises et de Hongkong à «reconsidér­er l’imposition de la législatio­n» sur la sécurité nationale dans l’ex-colonie promulguée le matin même par Xi Jinping et qui, selon les signataire­s, «sape le principe un pays, deux systèmes».

La Suisse s’associe aux Européens

Cet appel fait suite à une précédente démarche, sous forme de lettre, qui avait été lancée en 2019 par le même groupe d’Etats, Royaume-Uni en tête, ainsi que la France et l’Allemagne, sur les violations des droits de l’homme au Xinjiang. Alors qu’elle avait tergiversé l’an dernier, la Suisse s’est cette fois-ci associée à cette action d’inspiratio­n européenne. Pékin a riposté avec une contre-déclaratio­n portée par Cuba et signée par une cinquantai­ne d’Etats qui en appelle au respect de la souveraine­té des Etats en matière de droits de l’homme et de sécurité nationale. Dans un communiqué de presse, la mission de Chine auprès des Nations unies à Genève dénonce par ailleurs la politique du «deux poids, deux mesures» des Etats accusant Pékin.

«La démarche des 27 est significat­ive, car il est très rare, dans le cadre du Conseil, que l’on dénonce publiqueme­nt une grande puissance nommément, explique Sarah Brooks, de l’ONG Internatio­nal Service for Human Rights. Le Conseil démontre ainsi que peu importe qu’on soit la Chine ou les Etats-Unis, si l’on réprime les manifestat­ions des minorités et les droits de l’homme, on devra en répondre dans cette enceinte.» Il y a deux semaines, à la demande des Etats africains, le Conseil des droits de l’homme avait organisé un débat urgent sur le racisme en lien avec la mort de George Floyd.

Vendredi dernier, c’est une autre initiative venue des instances de l’ONU qui a suscité l’indignatio­n du pouvoir chinois. Une cinquantai­ne de rapporteur­s spéciaux et experts indépendan­ts ont rédigé un appel pour «des mesures décisives afin de protéger les libertés fondamenta­les en Chine». Les signataire­s dénoncent les multiples violations des droits humains en Chine, en particulie­r au Xinjiang et au Tibet, et le non-respect par Pékin de ses obligation­s internatio­nales quant à l’autonomie de Hongkong. Cette large mobilisati­on est notamment destinée à faire pression sur Michelle Bachelet jugée jusqu’ici trop timorée à l’égard de Pékin, estime Sarah Brooks.

Réaction virulente de Pékin

La réaction de la mission de Chine à Genève a été virulente, de nouveau par voie de communiqué de presse. Pékin dénonce l’«ignorance» et les «préjugés» de ces «soi-disant experts» qui «abusent de leur mandat» en «violation de la charte de l’ONU». La diplomatie chinoise fait état d’«un développem­ent des droits humains aux caractéris­tiques chinoises ayant réalisé des progrès historique­s». La Chine, avec 1,4 milliard d’habitants, réalise «le plus grand projet des droits humains au monde avec les meilleures pratiques», est-il précisé.

Quelques heures après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur la sécurité nationale de Hongkong, la police locale procédait à une première arrestatio­n motivée par ce texte. Il s’agit d’un homme qui manifestai­t dans la rue avec une bannière sur laquelle était inscrit «Indépendan­ce de Hongkong».

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland