Le Temps

Philippe Guignard: la défense d’un homme «malade»

- YAN PAUCHARD @YanPauchar­d

Lors de son audition, l’ex-pâtissier star accusé d’escroqueri­e a inlassable­ment justifié ses manquement­s par la profonde dépression dont il souffre et par sa lourde médication. Pour la première fois, il a présenté des excuses aux victimes

Qu’il semble loin le temps où Philippe Guignard paradait dans les médias à la tête d’un petit empire gastronomi­que et où il présidait aux destinées du Lausanne-Sport. Ce mercredi, au troisième jour de son procès pour escroqueri­e, l’homme de 57 ans est apparu confus, agacé par moments, laissant parfois de longs silences, levant la main comme un écolier pour prendre la parole. L’audience a même dû être interrompu­e quelques instants durant l’après-midi, l’accusé n’arrivant plus à répondre aux questions d’un avocat. «J’ai des limites. Dans ma tête, ça ne suit plus. Je ne veux pas crever ici», a marmonné le célèbre pâtissier avant de quitter la salle, courbé en deux, le visage crispé et soutenu par une huissière.

Deux jours après un premier malaise en ouverture de procès, cet incident a de nouveau reposé la question de l’état de santé de Philippe Guignard. Lors de son audition devant le Tribunal d’arrondisse­ment de la Broye et du Nord vaudois, présidé par Olivier Peissard et siégeant pour l’occasion à la Salle d’audience cantonale de Renens, le célèbre artisan a inlassable­ment ramené les débats à sa «maladie», soit la profonde dépression dont il souffre depuis plusieurs années: «En 2012 et 2013, j’étais au bout du rouleau, relève ainsi le Vaudois. J’étais enfermé chez moi, ne descendant au travail que quinze minutes maximum par jour pour chercher le courrier.»

Lors d’échanges pénibles, compliqués, voire houleux, il a été difficile d’obtenir des réponses précises de la part de Philippe Guignard. En particulie­r aux questions liées à la mise sur pied (avec la participat­ion à des degrés divers de ses trois coaccusés) de ce prétendu fonds d’investisse­ment, le Fonds Guignard Invest, dans lequel les 16 plaignants ont versé de l’argent. Les victimes croyaient participer au financemen­t d’un ambitieux et séduisant projet immobilier dans la commune nord-vaudoise d’Orbe. En réalité, leurs fonds étaient utilisés pour financer d’anciennes créances, dont des dettes privées, et payer les charges de la société Guignard Desserts, massivemen­t surendetté­e et en manque urgent de liquidités. Les montants concernés dépassent les 3,2 millions de francs.

«Je ne veux pas me défiler, mais vu que je prenais du Stilnox [un puissant somnifère, ndlr], il a pu arriver que j’aie fait des choses dont je ne me souvenais plus par la suite», a encore justifié Philippe

Guignard. Au cours des discussion­s, il a surtout donné «l’impression d’un homme acharné à sauver son entreprise telle quelle plutôt que d’accepter les mesures d’assainisse­ment qu’on lui a proposées», selon les termes du procureur Anton Rüsch, qui a précisé que, selon l’expertise psychiatri­que, Philippe Guignard avait la capacité de comprendre et de réaliser le caractère illicite de ses actes.

Plus tôt dans la journée, confronté par le représenta­nt du Ministère public au fait de n’avoir jamais manifesté de remords envers les personnes lésées, Philippe Guignard s’est soudaineme­nt levé et a demandé solennelle­ment pardon à l’unique plaignant présent ce mercredi dans la salle d’audience: «Je suis profondéme­nt désolé et je regrette le mal que j’ai pu commettre.» «C’est la première fois que vous vous excusez, j’en suis heureux, lui a répondu ce chef d’entreprise qui a perdu 1,5 million de francs dans l’affaire. Mais pour ma part, ces excuses arrivent trop tard.» Le procès se poursuivra jusqu’à la semaine prochaine. ▅

«J’ai des limites. Dans ma tête, ça ne suit plus. Je ne veux pas crever ici»

PHILIPPE GUIGNARD

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